"Entre les lignes, 
entre les signes"

Emission animée par Françoise Hardy (RMC - 1985)

(retranscription : Myriam Robert)


"C’est toujours prendre un risque que de se rencontrer, c’est le début de la véritable connaissance et la fin de l’idée qu’on se fait de l’autre. Et on y gagne pas toujours au change. A bientôt. C’est Jean-Jacques Goldman"...

Françoise Hardy : Bonjour alors. Jean-Jacques Goldman on a été un petit peu perplexes Anne-Marie Simon (graphologue)  et moi en lisant vos quelques lignes. Moi je me suis demandée si vous étiez particulièrement idéaliste ou alors si vous vous laissiez facilement prendre au piège des belles apparences, je ne sais pas. A quoi avez-vous pensé quand vous avez écrit ces lignes ?

JJG : D’abord, j’ai pensé rapidement qu’il fallait que j’écrive deux-trois lignes avant de prendre un train ! Je crois qu’il fallait que je le fasse rapidement parce qu’il vous fallait ces lignes avant que je vienne. Mais ceci dit, c’est pas un sens que je renie. C’est vrai que je laisse beaucoup de place à l’imaginaire et souvent je me suis rendu compte que l’idée que je me faisais de quelque chose ou de quelqu’un sans le connaître, même tout ce que peut susciter la lecture d’un livre par exemple, par rapport à la vue de ces livres au cinéma par exemple, souvent l’idée qu’on a des choses est plus flatteuse et moins décevante que la réalité.

F. Hardy : On va commencer avec toute une série de questions qu’on a préparées. Tout d’abord, vos quatre signes dominants sont dits, par l’astrologie moderne évidemment, en phase d’excitation, ce qui signifie que ces quatre signes, à leur façon, portent à une grande ouverture au monde extérieur : le lion, où vous avez l’ascendant, par goût du défi, par goût de l’exploit quand même assez spectaculaire, la balance où vous avez quatre planètes, dont le soleil, par un certain goût pour la vie sociale, le verseau où vous avez la lune, par goût pour les idées nouvelles qui sont susceptibles quand même de changer et d’améliorer tout du moins la face du monde et le bélier enfin, où vous avez un Jupiter très valorisé par besoin d’agir, par besoin de se dépenser et de vivre intensément.

Alors, d’où ces petites questions : d’abord est-ce que vous vous reconnaissez plus ou moins dans ces clichés qui sont quand même assez réducteurs évidemment, et est-ce que vous avez particulièrement horreur de tout ce qui limite, de tout ce qui contraint, de tout  ce qui enferme entre quatre murs ou qui replie sur soi et ses habitudes ?

JJG : Non, non non. Je crois pas. Je crois que j’ai une grande capacité à… une grande docilité. Par exemple, le fait d’être aveugle ou prisonnier, qui sont quand même des grandes limites, c’est jamais des choses qui m’ont effrayé. J’ai pas peur des endroits clos et même d’y rester. J’ai l’impression de pouvoir me plier très facilement à beaucoup de contraintes. Je suis pas du tout un rebelle.

F. Hardy : Enfin, ça peut être interprété comme ça, je pensais que vous deviez avoir horreur de la routine vous savez, de tout ce qui  empêche finalement d’élargir ses horizons. Ca n’évoque rien pour vous ça ?

JJG : Je suis pas sûr… mais enfin, vous savez… Je me pose aussi des tas de questions ! Je peux pas dire que c’est faux. Mais enfin, du moins dans la vie pratique la routine ne m’effraie pas du tout ; le fait de travailler huit heures, je l’ai fait pendant très longtemps sans aucun problème. Le fait de rentrer chez moi, le fait d’avoir un petit appartement, des choses comme ça.

F. Hardy : Bon là vous êtes artiste, ce qui est forcément, de toute façon, un travail dans lequel il y a un renouvellement de tous les côtés et dans ce que vous faites et dans les gens qui vous entourent, c’est un métier où on voyage, etc. Vous auriez pu être, je sais pas, employé de banque, bon, c’est peut-être exagéré.

JJG : Oui… Non, vous savez, j’ai … Mais par contre, peut-être avec le privilège formidable de savoir que j’étais musicien et donc que je pouvais éventuellement le soir, le week-end…

F. Hardy : Vous évader par la musique.

JJG : Voilà. Ca c’est une liberté, j’ai l’impression, qui est très forte et à laquelle personne ne peut toucher, même si je fais huit heures dans un bureau quoi. C’est peut-être ça qui m’a fait toujours considérer la routine physique comme finalement au second plan. Ca ne m’a jamais vraiment travaillé.

F. Hardy : Jean-Jacques Goldman, alors je vous ai parlé du signe du lion que vous avez à l’ascendant et ce signe-là porte à avoir un idéal de force, de courage, de volonté. Et je voulais savoir si vous aviez effectivement quelque part cet idéal et si, au nom de cet idéal, vous essayez de combattre plus ou moins la fragilité de votre signe solaire qui est la balance et qui porte à beaucoup plus de finesse, de sens des nuances mais à beaucoup plus aussi d’indécision et d’influençabilité.

JJG : Euh… l’indécision et l’influençabilité je suis d’accord. Un espèce de manque de déterminisme c’est ça ?

F. Hardy : De manque de détermination oui. On pèse un peu le pour et le contre, on est sensible au dernier son de cloche quand même, on est sensible à ce qui est dit autour de soi, on essaie de voir tous les aspects d’une chose.

JJG : Oui, ça c’est vrai. Très hésitant. Mais enfin, ceci dit, sachant qu’il va falloir prendre une décision mais n’ayant pas peur, et puis l’assumant complètement je crois. Mais ceci dit, effectivement très ouvert à tout ce que peuvent dire les autres et sans idée forte émanant de moi-même.

F. Hardy : Je voulais vous demander aussi de quelle façon vous ressentez les modèles ou les idées qui portent à briller par la force du caractère, par le courage et par la volonté. Je voulais savoir si c’était pour vous stimulant ou au contraire déprimant ou même simpliste.

JJG : Simpliste et stimulant. Ce sont des idées que je trouve très fortes et auxquelles je me raccroche beaucoup.

F. Hardy : Bien, quand même on a trouvé notre lien là. Une question qui est un petit peu longue alors j’espère que vous allez m’écouter attentivement. La lune, qui concerne l’auto-conservation et les sentiments d’équilibre et de sécurité que l’on peut tirer d’un environnement immédiat quotidien stable et protecteur, cette lune est dans votre ciel en verseau, signe qui se caractérise au contraire par la carence des instincts de conservation et de récupération. Et de plus, toujours cette lune en verseau, elle est à l’opposition de Pluton, de Mars et de Vénus qui signent des tendances assez passionnelles, voire agressives. Alors, en fonction de tout ça, voilà ma question. Je vous explique pourquoi je vous pose la question.

JJG : J’suis mal barré ! J’me sens mal barré !

F. Hardy : Non, non, pas du tout ! Non, là  je pose le problème alors j’essaye de trouver une solution possible à ce problème. En fait, il y en a deux. Il y en a peut-être des tas d’autres. Est-ce que vous pourriez, en fonction de ça, souffrir d’un sentiment d’insécurité permanente, aspirer plus ou moins vainement à une forme d’harmonie, ou alors, au contraire, alors là on en revient un peu à ce qu’on disait au début, et là vous m’avez déjà répondu évidemment, ou au contraire rejeter plus ou moins toute forme de protection, de sécurisation, ou en tout cas ne pas y faire attention ?

JJG : Non. Le sentiment d’insécurité, j’assume complètement. Je me lève chaque matin, très étonné d’être libre, en bonne santé, j’sais pas enfin, d’être heureux quoi. C’est une chose qui m’étonne énormément, voilà. C’est pas une situation que je trouve normale. A la limite, j’avais entendu dernièrement un grand homme dire, alors qu’on venait l’arrêter, il disait "jusqu’à maintenant je vivais dans l’insécurité, maintenant je vis dans l’espoir". D’une certaine manière, une sorte de soulagement au moment où le pire est arrivé. Moi je vis un petit peu dans cette situation, c’est-à-dire le jour où le pire arrivera, je trouverai que c’est presque la situation normale. Donc, il y a effectivement une petite pathologie de ce côté-là ! C’est peut-être pas très net mais ceci dit, ce que j’essaye de faire c’est de construire une espèce d’harmonie, que ce soit au niveau professionnel, au niveau personnel et au niveau familial.

F. Hardy : Vous pensez que c’est possible. Vous n’excluez pas ça. Avec une configuration comme ça, vous pourriez penser que c’est complètement illusoire la stabilité, l’harmonie, tout ça.

JJG : Non. Ce que je crois, je ne sais pas si ça me guérit moi-même, mais ce dont j’ai la certitude, c’est d’être utile. C’est peut-être ça aussi qui m’a le plus déterminé à avoir une famille etc, c’est mon utilité vis-à-vis des autres, c’est-à-dire le regard qu’eux me portent, le fait qu’ils ont besoin eux de moi, qui me donne à moi une certaine sécurité d’être. Et ça, c’est une chose que je ressens très fort. C’est-à-dire le fait d’être utile aux autres me donne une justification à mon existence.

F. Hardy : Je pense que d’après votre ciel, quelque chose dans votre relation à votre famille d’origine, plus spécialement à votre mère, aurait pu susciter en vous des sentiments de rejet et d’opposition vis-à-vis d’une partie de ce qu’elle représentait, soit votre milieu d’origine, soit votre maman, soit alors parce qu’on ne sait jamais dans quel sens les problèmes que pose le ciel sont vécus, soit que la nature particulière de cette relation ait plus ou moins gêné chez vous l’expression de vos pulsions agressives, pulsions qui sont chez chacun de nous. C’est un peu compliqué.

JJG : Non, je…

F. Hardy : Ca évoque quelque chose pour vous cette question ?

JJG : Oui. Oui, oui, oui, oui, euh, enfin… bon, j’ai l’explication.

F. Hardy : Et il vous est pas possible d’en parler ?

JJG : Si, j’peux en parler, j’peux en parler. Ce que je veux dire, c’est que pour des raisons historiques et personnelles qui font que j’ai des parents qui ont été très balayés par l’histoire, par tous les événements de la seconde guerre mondiale etc, le fait d’être un premier fils de Madame Ruth Ambrun a été peut-être quelque chose de plus important pour elle que tout autre fils arrivant dans n’importe quelle famille. Enfin, je veux dire, y avait un autre poids que celui simplement de l’amour maternel. Et probablement que ça a été une chose pas toujours très facile à supporter pour le fils en question. C’est-à-dire j’ai eu l’impression, probablement, de répondre peut-être à plus de questions qu’un petit enfant est capable d’y répondre. Bon, ceci dit, c’est des choses qui s’assument et puis, n’importe comment, viable par l’amour que cette personne vous porte quand même.

F. Hardy : Alors, il y a une façon encore d’exprimer cela. Par la lune donc, on est particulièrement sensibilisé à sa famille, à son groupe, à sa culture, à sa race, alors que par Pluton qui est à l’opposé dans votre ciel de la lune, on a au contraire tendance à rejeter ces notions et à se sentir de partout. Moi, je préfèrerais dire encore de nulle part. Alors, dans votre ciel, le sentiment d’appartenance à un groupe et le sentiment de n’appartenir à rien se heurtent. Est-ce que vous ressentez cela et finalement comment le vivez-vous ?

JJG : Bien sûr, bien sûr !

F. Hardy : Vous, vous dites "bien sûr !" mais pour moi c’est pas évident !

JJG : Mais j’ai l’impression que je ne parle que de ça dans mes chansons ! (rires).

F. Hardy : Mais oui, mais vos chansons … Je crois qu’on est surtout pris par la musique et finalement on fait assez peu attention au texte.

JJG : Vous ne pouvez pas me faire un compliment plus grand que celui-là !

F. Hardy : Ah moi j’suis pas d’accord, j’sais pas si c’est un compliment.

JJG : Ah si, moi je trouve. Non mais ceci dit oui c’est bien vu. Le fait d’être né de parents étrangers en particulier, le fait de ne pas savoir trop où sont mes racines déjà, bon le fait d’être juif aussi et tout ça. C’est ça, j’ai l’impression d’appartenir très fort à un groupe qui, lui-même, ne sait pas trop à quoi il appartient. Donc c’est effectivement deux choses qui s’opposent très bien et que je trouve personnellement très stimulantes et très positives.

F. Hardy : Jean-Jacques Goldman, par la balance, où vous avez le soleil en compagnie d’ailleurs de trois autres planètes, vous devriez porter à la conciliation, au pacifisme même, mais vos planètes affectives sont liées à d’autres planètes de violence et d’agressivité. Est-ce que vous êtes particulièrement subjectif en matière de violence par exemple ? J’avais pensé en sous évaluant ou en sur évaluant votre propre violence. Est-ce que c’est un problème qui vous concerne la violence plus particulièrement que quelqu’un d’autre ? Naturellement, on est tous concernés par ça.

JJG : Oui. C’est-à-dire que là je reconnais dans ce que vous dites, une chose, c’est effectivement cette espèce de diplomatie, c’est-à-dire cette espèce d’envie de plaire au 1er degré.

F. Hardy : Toutes les balances qu’on a eues jusqu’ici ont insisté sur le fait qu’elles étaient très attentives à ne pas blesser, à ne pas faire de mal aux autres.

JJG : Voilà. Une ouverture sur les autres. Mais d’un autre côté effectivement, une grande violence quand je me sens vraiment concerné par les gens, quand c’est des gens qui me sont très proches, j’ai du mal à être conciliant effectivement, dans mes rapports. C’est-à-dire il y a une peu deux niveaux de rapports. Il y a d’abord les rapports sociaux un peu avec tout le monde et n’importe qui, donc que j’essaye de rendre le plus normal possible, ne pas blesser les gens, de les dépassionnner. Par contre effectivement, des rapports assez passionnels avec les gens qui me sont très proches et du mal à accepter certaines choses, un petit peu... ? effectivement, enfin bref... un emmerdeur quoi ! (rires) … en gros.

F. Hardy : Est-ce que vous seriez d’accord avec ça : j’avais noté que vous pourriez être, sur le plan de vos idées, tout à fait hostile aux rapports de force ?

JJG : Non, il y a une chose qui est sûre, c’est que je suis conscient de ces rapports de force mais je ne crois pas en abuser, honnêtement.

F. Hardy : Finalement, quelles sont les violences qui vous paraissent le plus excusables ?

JJG : Je crois que c’est les violences des idéaux. C’est-à-dire je comprends que quelqu’un aille se taper la tête contre les murs en sachant par exemple qu’il y a des enfants qui meurent de faim actuellement etc. Je crois que ça, c’est des choses qui ne paraissent jamais ridicules. Le militantisme forcené pour les idéaux vraiment altruistes ne me paraissent jamais ridicules, le scoutisme, des choses comme ça, c’est  des choses dont je ne peux pas rire. Ce genre de violences-là me paraissent positives.

F. Hardy : On va aborder maintenant le contraste qui devrait résulter de la coexistence des valorisations dans votre ciel d’un côté du soleil, de Jupiter et d’Uranus, et puis de l’autre, Mercure, Neptune et Pluton. Alors on peut formuler ça de plusieurs façons. Première façon, est-ce que vous vous sentez, ou est-ce que vous vous êtes senti partagé entre le besoin d’une spécialisation étroite, ce que vous êtes pour l’instant (un besoin qui enferme donc, la spécialisation ça enferme) et puis en même temps le  besoin de rester quand même disponible à pas mal de choses, pas mal de possibilités variées, différentes ?

JJG : Si on prend la chanson, le fait d’être chanteur et d’écrire ses chansons, je crois que c’est typiquement un métier qui se nourrit de tout pour se spécialiser dans une chose. 

F. Hardy : Ca dépend, ça dépend comment on le fait mais...

JJG : Enfin moi c’est ma façon de le faire, c’est-à-dire il me paraît inconcevable d’écrire des chansons dans une chapelle, en ne parlant plus que de moi, ou alors avec un seul son de synthétiseur ou des choses comme ça... J’ai l’impression plutôt d’être un chroniqueur des autres et des choses et donc ça me demande beaucoup de disponibilité et de vivre des choses pour pouvoir les exprimer par ce moyen très précis. Donc, je suis pas d’accord avec ce que vous dites. C’est des choses que je ressens aussi. C’est de ne pas être spécialiste et je crois qu’il faut que je lise un journal et que je vive des choses et que j’ai le temps de rien foutre un peu, surtout de vivre des choses lentes pour pouvoir les exprimer…

F. Hardy : Comment ça vivre des choses lentes ?

JJG : Oui, un rapport, un rapport avec quelqu’un, ne serait-ce qu’être disponible, suivre quelqu’un dans la rue, suivre une conversation, perdre du temps en fait, se promener et arriver dans un endroit qui n’était pas marqué sur la carte routière ou discuter avec quelqu’un dans un wagon de chemin de fer avec qui on n’avait pas rendez-vous. C’est une façon de vivre qui est complètement impossible avec ce qu’on fait actuellement, enfin quand on fait un métier.

F. Hardy : Deuxième façon d’exprimer cela : est-ce que vous vous sentez partagé entre le besoin de dominer, d’une certaines façon, le système, et puis celui de lui échapper ?

JJG : C’est marrant parce que je dis dans une … enfin, je m’excuse, ce n’est pas du tout prétentieux, cette paraphrase mais dans le dernier album il y a une chanson qui s’appelle "Je chante pour ça" et qui dit "parce que les vrais marginaux sont dans les palaces, pas dans les ghettos" et c’est un peu ça. Ce que je pense, c’est que la seule façon d’échapper au système c’est de l’éliminer. Je ne pense pas qu’on puisse échapper au système en en étant victime. Enfin donc, effectivement, c’est très clairement dit dans ce que vous venez de dire.

F. Hardy : Troisième et dernière façon : comment finalement arrivez-vous, enfin en écoutant un de vos disques je pourrais trouver la réponse toute seule …

JJG : Y a pas que la vérité dans mes disques !

F. Hardy : Oui quand même, y a pas mal de choses ! Comment est-ce que vous conciliez votre perméabilité aux valeurs en cours, au goût du jour, à la mode, je crois qu’il y a ça chez vous, en tout cas on le ressent dans votre musique, et cette perméabilité au goût du jour, c’est typiquement balance et par ailleurs, donc en même temps comment conciliez-vous cela avec le besoin de prendre de la distance ?

JJG : Mais je crois qu’il faut être perméable aux idées du jour mais sans les prendre pour argent comptant, c’est-à-dire il faut pouvoir écouter ce qu’on dit tout en gardant une indépendance d’esprit, c’est-à-dire le jugement personnel, ne pas être victime non plus de ces idées à la mode, etc. Donc je crois qu’il faut être attentif mais faut rester soi-même simplement avec son intelligence et son raisonnement. C’est ce que j’essaye de faire.

F. Hardy : J’avais prévu une petite question mais je crois que vous y avez déjà répondu. Je me rappelle plus à propos de quoi parce que… c’était ça : est-ce que vous vous sentez davantage un rebelle en quête d’adaptation ou un adapté en quête de rébellion ? Ca pourrait, avec vos valorisations planétaires.

JJG : Alors, un rebelle en quête d’adaptation (il réfléchit tout haut).

F. Hardy : C’est-à-dire quelqu’un qui est en révolte un petit peu contre tout mais qui, en même temps, veut s’adapter au plus grand nombre possible de choses et de gens ou alors l’inverse.

JJG : Je crois que c’est l’inverse, un adapté en quête de rébellion. J’ai tendance à essayer de m’adapter à la situation, à ne pas créer ni remous ni vagues, même me faire remarquer mais par contre il y a des choses que je ne supporterais pas. De temps en temps, j’ai des petits ennuis pour ça.

F. Hardy : Vous ne pouvez pas me donner des exemples ?

JJG : Je crois que le fait d’être quelqu’un qui ne réagit pas sur des détails fait que quand on réagit sur des choses de fond on est plus entendu. Ca m’est arrivé à plusieurs occasions, pendant mes études, ou dans la politique ou des choses comme ça, d’être plutôt plus entendu puisque les gens savaient que j’étais un garçon calme et que quand je me mettais en colère ou quand je disais "ben non là je suis pas tout à fait d’accord", j’étais plutôt bien suivi. Mais sans être un agitateur professionnel.

F. Hardy : Jean-Jacques Goldman, je vous présente Anne-Marie. Alors il faut dire à Anne-Marie que Jean-Jacques a écrit les quelques lignes que vous avez lues dans des conditions vraiment très peu favorables et qu’on ne lui a pas précisé qu’il fallait faire un peu comme s’il écrivait une lettre. Donc, il risque de vous manquer des éléments mais enfin vous avez pu quand même travailler. Anne-Marie on vous écoute.

A.Marie : Partout, ce qu’exprime votre écriture Jean-Jacques, je devine combien a dû vous sembler désagréable l’obligation dont est assortie, pour l’invité, d’écrire quelques lignes. Ne s’apparentent-elles pas, en effet, à une opération chirurgicale dont vous vous seriez bien passé ? D’ailleurs, vous avez préféré limiter les risques en écrivant peu. Nous allons donc jouer à donnant-donnant ou plutôt l’inverse car en ce qui me concerne, avec ce document, je ne peux guère proposer autre chose aujourd’hui que l’esquisse d’une esquisse de personnalité. Il me semble que votre graphisme fait bien apparaître vos vulnérabilités et la manière dont vous les compensez et dont vous avez su trouver les solutions qui vous conviennent le mieux. 

Premier pas de mots, celui qui donne sans doute à votre paysage intérieur une tonalité de jour de pluie. Au fond, vous n’êtes ni confortable, ni assuré. A certains moments n’éprouvez-vous pas une impression de malaise assez difficile à bien définir ? Impression qui recouvre probablement de l’incertitude sur vous, de l’insécurité face aux autres et au monde en général, face aux  choix, face aux responsabilités à prendre. 

Dans le domaine affectif, vous n’êtes pas confiant, vous ne savez pas bien évaluer vos sentiments ou bien les faire comprendre. Pour être ouvert aux autres vraiment, accessible, pour pouvoir vous mettre à leur place, il vous faudrait être davantage au clair avec vous-même, plus conscient de vos points sensibles, de vos réactions mais êtes-vous si désireux d’aller au-delà dans les échanges ?

 * * * * *

Le reste de l’émission a malheureusement été effaçé mais  je me souviens d’un passage qui m’avait marquée car je m’étais bien marrée de la façon de parler de Jean-Jacques. Je vais essayer de le retranscrire de mémoire :

F. Hardy : Vous souvenez-vous comment était habillée votre femme ce matin ?

JJG : Euh…. J’crois qu’elle était en pyjama.

F. Hardy : Ah, elle porte des pyjamas ?

JJG : Ben euh… J’sais pas, elle avait une espèce de robe de chambre quoi ! Enfin, j’sais pas comment ça s’appelle !

F. Hardy : Un déshabillé. 

JJG : Non non, elle était habillée !

F. Hardy : Non, ça s’appelle un déshabillé !

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