"Sud ouest TV Hebdo" (1997)
(Retranscription : Fabrice Masson -"Fafa"-)
Grosse moto anonyme et costume anthracite, Jean Jacques Goldman aime circuler rapidement et discrètement dans Paris. Pour la première fois, il a accepté de se confier aux lecteurs de "TV Hebdo". |
- Sur cet album figurent, à coté des textes, de belles photos en noir et blanc, prises par Claude Gassian en voyage. Ces clichés vous ont-ils inspiré ? - Je n’ai pas travaillé à partir des photos. Notre collaboration est née simplement de l’amitié que j’ai pour Claude. Ensuite, son style de prise de vue -il aime bien les flous, les ombres, etc.- s’adapte bien à mes chansons. - Le temps qui passe, sinon l’age –vous avez eu 46 ans le 11 octobre dernier-, semble vous importer si l’on s’en tient seulement aux paroles de "En passant". - Bien sûr, même s’il ne s’agit pas d’une souffrance mais d’un simple constat. Je trouverais pathétique d’arriver à la cinquantaine en ayant l’air de ne pas s’en rendre compte. A 46 ans, on "prend congé", sans amertume mais non sans mélancolie, de sa jeunesse. - Musicalement, cet album sonne plus mélancolique, plus blues. Un peu à la façon de certains, comme Bob Dylan, que vous admirez. - Très consciemment, j’ai toujours été influencé par Dylan pour les chansons plus intimistes à coté de mélodies plus violentes où les batteries et les guitares saturées… sont en avant. Celles ci disparaissent sans doute pour une simple raison : l’âge. Et la partie plus sereine prend le dessus. |
- Céline Dion, Patricia Kaas, Florent Pagny, Khaled… Ecrire pour autant d’artiste différents, n’est ce pas un exercice schizophrénique ? - C’est volontaire. A mes débuts, j’ai toujours dit que je voulais écrire pour les autres. De 1977 à 1980, personne ne voulait de mes chansons et je suis donc monté sur scène. Mais ce qui me plait surtout, c’est l’écriture. - Au cœur de l’album, il y a "Natacha", une ballade slave où vous chantez "de mes tristesses me restent un grand manteau". Un constat nécessaire ? - Ce sont des références musicales que j’ai toujours eues : "Comme toi", "Serre-moi", l’album "Rouge"… J’aime le blues noir mais aussi le "blues slave" : musiques tsiganes, juives et russes. Comme une espèce de sanglot, une esthétique de la tristesse. - "On interdira les tiédeurs" que vous chantez dans "On ira". Une maxime de vie ? - Cela ne me concerne pas forcément, car je ne suis ni très courageux, ni très rebelle ! Mais c’est le signe d’une époque où l’on tiédit tout. Le summum est le Prozac, comme une façon de limiter les excès d’humeur… Les variations climatiques limitées à coup d’air conditionné dans les appartements, les voitures, les bureaux : petit à petit, on en vient à la tiédeur de sentiments. Dommage…- A écouter "Nos mains", on a l’impression qu'elles sont à vos yeux chargées de bien des symboles. - Toucher et étreindre sont des actes très intimes. Lourd de sens. Regardez la poignée de main Arafat-Rabin. - N’avez vous jamais été tenté par la politique ?- Non ! mais je crois, à ma place, ne pas être tout à fait inutile. Je pense à une chanson comme "Aïcha" pour les beurettes françaises, à celle des "restos du cœur", qui à dix ans. Et, pendant que le Front national s’installe, ça ne me dérange pas que les gamins dansent sur "Je te donne". |
- Vos enfants -qui ont de 12 à 20 ans- écoutent-ils beaucoup de musique ?- Beaucoup de techno. La techno est d’ailleurs une musique intéressante et excitante, même si je n’en ferais pas. Cela dit, je la sens plus limitée que le rock. Elle se vit et se danse dans une espèce de happening.- Accepteriez vous par exemple une invitation chez Michel Field ?- J’ai toujours refusé de faire 7 sur 7, donc je dirai encore non. Accepter de paraître dans un tel rendez-vous consiste à outrepasser mes compétences et mon importance. Autant je me sens compétent pour jouer de la musique, parler de chanson, de studio d’enregistrement, autant je me sens déplacé dans tout autre exercice télévisuel. Il ne faut pas confondre notoriété et capacité, ce que font souvent les médias. Propos recueilli par François Cardinali. |