"10 jours à BANGKOK
avec Jean-Jacques GOLDMAN"

Graffiti - sept.89

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(retranscription : Sandrine Mazière)

 


Au rendez-vous du tape à l'œil média, Jean-Jacques Goldman joue obstinément les abonnés absents. Chanteur malgré lui, il mobilise les foules sous l'étendard discret d'un répertoire adapté à ces chères années 80 qui rendent l'âme. Non content d'avoir un succès jusqu'à ce jour non démenti, c'est extra-muros et loin d'une popularité obèse qu'il a décidé de vivre l'autre facette de sa carrière.

Prophète en son pays, ce messie musical de l'Hexagone, tel un ambassadeur pas diplomatique pour un denier, donne dans le créneau VRP de la francophonie et c'est à Bangkok exactement que nous avons identifié la trace de celui qui se cache chez lui pour mieux se montrer chez les autres.

Féru d'anonymat, sa guitare à la main et sa voix dans le micro, Goldman chante tandis que Jean-Jacques marche seul dans l'uniforme d'un touriste aux aguets.

Mister observe les gens, scrute l'horizon, pille l'air du temps. En route vers la connaissance du carrefour de l'émotion, Goldman prend le soleil "pelliculisé" des tranches de vie et, puisque ses vacances rejoignent le chemin de ses errances, radioscopons, en exclusivité, l'album-photos d'un artiste qui est bon, même là-bas, dis !

Tournée triomphale française oblige, Goldman ne pouvait pas en rester là. Et, d'Allemagne à Londres, en passant par Moscou, c'est sur le vieux continent qu'il a tout d'abord exploré son périple international. Mais, l'été pointant perfidement le bout de sa lorgnette vacancière, c'est dans le but de tricoter des souvenirs épiques, pour quand il sera plus vieux, qu'il a pris parti d'aller se faire voir ailleurs, au-delà des océans. Bien évidemment, Goldman, le notoirement cachotier de service, n'a ni convoqué la presse, ni même informé ses intimes de ses pérégrinations… Lui, commettre le crise de lèse cabotinage ! Non, vraiment pas ! Pour une fois qu'on lui fiche la paix média, il ne va pas déclarer tout haut les fabuleuses aventures qu'il a envie de vivre tout bas. C'est donc sous les traits d'une journaliste "cannibale", pléonasme me direz-vous ! et en bonne mangeuse de stars vivantes qui se respecte, que j'ai osé demander au Maître chanteur sur son arbre perché de nous accueillir dans sa tournée exotique. Honnête homme, s'il en est, il a dit oui, pas contraint, mais il a su forcer sa nature, simplement pour nous faire plaisir. Invitation au voyage goldmanien, évidemment, on ne pouvait pas passer à côté de ce scoop à la une, Goldman in Bangkok le matin, le midi et le soir, c'est comme si vous y étiez ; alors, ouvrez grand vos pupilles car, à la recherche d'un chanteur dans l'exercice de ses fonctions musicales, nous y avons croisé un homme, un vrai, grandeur nature…


- Et du shopping, si nous en parlions, as-tu écoulé tous tes travellers chèques ?

"J'ai acheté des montres de luxe, à l'attention des gens que je n'aime pas ! (rires)."

- C'est suspect de rapporter des cadeaux à ses ennemis ?

"Vois-tu, je suis quelqu'un de suspect !"

- Et as-tu fais la razzia sur les sacs Vuitton ?

"Non, là c'est vraiment trop ridicule !"

- Question à la Chancel ? Et Dieu dans tout ça, le côtoie-t-on de plus près lorsqu'on s'éloigne de son cocon natal ? (rires)

"Il y a plein de choses que je fais qui me paraissent extraordinaires mais qui sont d'une banalité incroyable pour les autres. Tu vois, de pouvoir se promener en observant les gens sans qu'ils te reconnaissent, c'est très reposant… La notoriété reste une gêne. J'adore croiser le regard de quelqu'un et que cette personne ne soit sensible qu'au regard et non pas à la reconnaissance du mec qu'elle a vu à la télé…"

- As-tu supporté la chaleur, la cuisine, en bref, es-tu genre à somatiser en voyage ?

"Tout va bien, je ne suis pas tombé malade et j'adore la bouffe thaïlandaise."

- Et les massages… des masseuses made in Bangkok ?

"Elles sont très balaises. Je le recommande à tous, car ça fait beaucoup de bien. Tu sais, toutes les masseuses ne sont pas des putes, comme toutes les journalistes ne sont pas des pourries !"

* * * * *

De Bankok à Los Angeles, en passant par Djakarta, Bali, la Nouvelle Calédonie, Nouméa et Tahiti… Des cartes postales signées Jean-Jacques Goldman, histoire de prolonger quelque peu le temps des vacances, à l'aube de cette rentrée frémissante.

- Et la musique thaïlandaise t'a-t-elle renversé les tympans ?

"Pour chanter le duo de "Là-Bas", on a recruté deux chanteuses locales pour assurer la partie de Sirima et je t'avoue que d'entendre "Là-Bas" en thaïlandais, ça a été une réelle partie de plaisir (rires).Je ne m'en suis pas encore remis."

- Détective Goldman, avez-vous constaté un quelconque trafic de cassettes piratées ?

"De mes chansons, non ; en revanche, Richard Clayderman, Nana Mouskouri, marchent très fort là-bas. Kazero avec "Ta Na Na" aussi. C'est le gros tube du moment et puis, il y a Vanessa Paradis… Son "Marilyn et John" version thaïlandaise, ça vaut le détour."

- La pauvreté de ces cités, te renvoie-t-elle une image tout de même positive ?

"Une grande misère côtoie une grande pauvreté mais, c'est clair, ici personne ne meurt de faim comme en Afrique ou à Madagascar. Le choc est moins visible, mois brutal."


- Quelle est la photo cliché que tu rapportes de ce périple ?

"Toutes les photos ne sont pas encore développées… c'est trop frais dans ma tête."

- Quelle est ta journée type en ces périodes de farniente professionnel ?

 "Justement, il n'y en a pas. Je me ballade avec mon appareil photos, je fais du bateau, de l'hélico. Je visite les plans touriste, comme à Bangkok où j'ai vu, notamment, le marché sur l'eau, les temples boudhistes…"

- Ressens-tu le mal du pays ?

"A cause du bicentenaire, on parle beaucoup de la France."

- Ta fuite, en ce mois de juillet, était-elle donc préméditée ?

"J'étais content de ne pas être à Paris, mais je n'étais pas forcément content d'être ailleurs."

- Les voyages… ça reforme la jeunesse-genèse d'un auteur ?

"Je tiens un carnet de bord dans lequel je note pas mal de réflexions…"

- Vingt-cinq personnes (toutes son équipe) et toi et toi et toi. Pourquoi ce choix ?

"Il est clair que si, avec mes musiciens, on ne s'était pas entendu, sûr qu'on n'aurait pas fait cette tournée. Cette série de concerts est amicale et elle n'a pas d'autre justification que celle-là. L'intérêt n'est ni financier, ni carriériste. Après cette tournée, j'arrête, pendant deux ans, la scène. Et mon prochain album ne sortira pas avant janvier 91. Il me faut plus d'un an pour écrire mes chansons. Cette fois-ci je n'ai aucun titre dans mes tiroirs. Je recommence à travailler sérieusement dès la rentrée… Les vacances se terminent."

- "Peur de rien blues" se balade sur la FM hexagonale. C'est un titre particulier extrait d'un album tout aussi particulier ?

"Je crois que c'est l'une des chansons que j'ai écrites en dernier. Il me manquait du temps, alors j'ai composé un blues et puis, si on a décidé de la sortir en single, c'est vraiment en fonction de la réaction que cette chanson provoquait sur scène…"

- Numéro un incontesté, "t'as du succès dans tes affaires", n'est-ce pas ?

J'en suis très content, mais j'ai l'impression que je n'y suis pour rien et, autant que ça ne me dérangeait pas de ne pas vendre de disques, autant ça ne me dérange pas non plus d'en vendre aujourd'hui !"

- Jamais content ?

"Je ne suis pas un tourmenté, tu sais… !"

- Quels sont tes compagnons de chevet en voyage ?

"J'ai apporté avec moi des vieux Libé d'il y a un mois, quelques magazines, dont Actuel, des cassettes, mon walkman, etc. A propos, qui a gagné le grand prix d'Angleterre ? C'est Prost ?" (On se renseigne à la rédaction. On lui annonce la bonne nouvelle ; Goldman fait discrètement éclater sa joie !)


- Comment ça va ?

"Ca va aussi bien que quelqu'un qui s'offre des vacances !"

- Goldman à Bangkok, diantre ! On ne s'y attendait pas ; tu fais figure d'inconnu là-bas, me trompais-je ?

"C'est tout à fait ça… En définitive, cette tournée a été organisée par l'Alliance Française et le challenge en est simple. Il s'agit de défendre la francophonie à travers le monde. Ma tournée n'est pas unique et elle s'inscrit dans une série de manifestations culturelles… Des troupes théâtrales, etc, suivent le même circuit que le mien."

- Tu chantes donc dans ta langue natale ?

"Oui. En définitive, je donne le même type de concert qu'en France. La seule différence, c'est que je parle beaucoup moins entre les titres et puis, je me produis soit dans des clubs du genre Le Palace ou encore sur des scènes à ciel ouvert, comme à Djakarta."

- Tu débarques dans un pays, vierge de notoriété ; alors assumes-tu un quelconque service après-vente ?

"Oui, tout est très bien organisé et l'Alliance française fait en sorte de mener une campagne d'affichage ainsi qu'une promotion télé et radio… On annonce la venue d'une personnalité connue en France et, le but est de rameuter, autant que faire se peut, le maximum de population locale. Bien sûr, on retrouve beaucoup de francophones mais à Bangkok il y avait quand même quelques thaïlandais dans la salle…"

- En ce temps de Bicentenaire, se sentirais-tu l'âme d'un porte-drapeau tricolore ?

"Il y a bien longtemps que la chanson ne se diffuse plus par la scène mais, surtout à travers la radio ou la télé… Je n'ai rien à prouver et je le fais juste pour le plaisir. Que cette journée ait du succès ou pas, je m'en fous un peu. C'est, à mes yeux, une façon originale de voyager, de pouvoir voir d'autres choses et de rencontrer d'autres peuples."

- Dans ce cas-là, pourquoi ne pars-tu pas seul ou en famille, sac au dos ?

"Je n'ai plus envie de ça. Disons que j'ai passé l'âge."

- Que se passe-t-il dans la vie de Jean-Jacques Goldman à Bangkok ?

"Rien de spécial. Je me balade, en jeep, à dos d'éléphant. Je m'offre ce genre de conneries qui m'éclatent, mais qui, journalistiquement, n'ont que peu d'intérêt pour tes lecteurs."

- As-tu fais de belles rencontres ?

"Oui, il y a beaucoup de français installés là-bas. Souvent, ils ont épousé un ressortissant thaïlandais et leur connaissance du pays nous fait gagner du temps par rapport au touriste normal. D'emblée, ils nous font découvrir d'autres choses…"

- Qui sont ces gens ?

"Des gens plus ou moins impliqués dans le spectacle, soit en tant que prestataires de service, soit en tant que professeurs de français."

- La réalité de la Thaïlande a-t-elle rejoint la carte postale de tes rêves ?

"Disons qu'avant de venir ici, je ne m'étais pas imaginé de choses extraordinaires. C'est l'Asie, c'est bien mais je n'ai pas ressenti de coup de foudre particulier pour ce pays."


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