FREQUENSTAR (M6)
24 mai 1998

(Emission présentée par Laurent Boyer)

Frequenstar-photo4a.jpg (65937 octets)

 

 

(Retranscription : Faby Ferry)


SOMMAIRE DE L'EMISSION  :


   * Parcours et ambitions
   * La montagne : Surf - Duo avec un jeune cuistot
   * L'argent
   * L'Amour
   * Rapports avec la presse
   * Compositions
   * Questionnaire "Aux frontières du Réel"
:o)
   * Tournée "En passant"

 


L’émission commence par l’extrait d’un JT de 13 h, sur TF1, avec Jean-Pierre Pernaut, en 1988 :

JPP : Vous avez dit vous-même, je crois : "ce que je fais, c’est de la chansonnette". C’est fait pour faire plaisir aux gens vraiment ? c’est tout ?

JJG : Mais qu’est-ce qu’il y a d’autre dans la chanson ?

JPP : Ben, je sais pas ! D’autres chanteurs disent d’autres choses.

JJG : Quoi, par exemple ?

JPP : Y’en a qui essaient de passer des messages, c’est pas votre cas ?

JJG : Ben, je sais pas. Quel est le message, par exemple, de Edith Piaf ?

JPP : Je sais pas. C’est la chanson d’abord... comme vous !

JJG (qui se marre bien) : "Ah bon... moi non, alors... Elle oui, moi non !"

* * * * *

Laurent Boyer (en voix off) : Jean-Jacques Goldman n’aime pas la télévision.Se prêtant peu au jeu des médias, ses apparitions sont rares et parfois risquées pour ceux qui l’interrogent. Troisième personnage le plus populaire de France, derrière l’abbé Pierre et Jean-Paul Belmondo, parfois il déroge à ses principes et accepte de se confier librement aux caméras. Dans les Alpes, où il aime se retirer, il évoque sa carrière, qui l’a conduit à composer pour les plus grands et les autres. Puis, nous entraînant dans les coulisses de son actuelle tournée, il se laisse découvrir tel qu’il est : un anti-héros qui a toujours éprouvé une aversion naturelle envers tous les conformismes.

* * * * *

(Retour au JT de JPP)

JPP : Là, vous avez fait, à Paris, sans aucune publicité, sans promotion du tout, quatre salles différentes, entre le début du mois de mai et le milieu du mois de juin. Et c’était plein plein plein à chaque fois. Vous êtes content quand c’est très très plein ?

JJG : Ah oui, moi je préfère quand c’est plein que quand c’est vide ! Mais je crois que je partage ça avec beaucoup de mes collègues... 


(Laurent Boyer, et Jean-Jacques Goldman, qui porte un beau pull rouge, sont confortablement installés dans un petit salon).

Laurent Boyer : Jean-Jacques, est ce que, parfois, toi, tu te considères comme arrivé ? Y’a un moment où tu t’es dit "ça y est, je suis arrivé" ? Quand, à 29 ans, tu commences, et tu te retrouves à 40 ans au top, d’une notoriété, j’entends, qui est prouvée. Est-ce qu’à ce moment là, toi, tu te dis : "j’y suis" ?

Jean-Jacques Goldman : Bah, oui ! Y’a des choses, tu vois, quand tu dis "moi, je rêve d’avoir mon permis de conduire", y’a un jour où tu l’as ! Y’a un jour où t’es dans une voiture. Quand tu dis "un jour, je voudrais chanter devant 6 000 personnes qui chanteront en même temps que moi", bon, y’a un jour où ça arrive ; "un jour, je voudrais vivre de mon métier de chanteur". Et y’a un jour où tu peux ! C’est clair. Moi, je me rends compte que, souvent, on a des buts très précis, on a des rêves. Et une fois qu’on arrive à ce but, une fois que tu as la chose que tu espérais dans la main, tu te rends compte que, finalement, ce qui a été le plus palpitant, la chose la plus belle à vivre, ça a été d’y aller, quoi.

(Extrait de ‘cadence 3’, présenté par Guy Lux : il chante "Au bout de mes rêves"_1983).

LB : Le rêve, il était où ? Le tien était où ? L’ambition ? Tu dis que t’en as jamais eu beaucoup, remarque.

JJG : Si, j’avais des ambitions, mais pas des ambitions très conventionnelles. J’avais l’ambition de pouvoir choisir mon temps, de pouvoir dépendre... de ne pas dépendre de gens qui pourraient faire des abus de pouvoirs, enfin, tout ça. J’avais ces rêves là, mais j’avais pas des rêves très matériels, quoi.

LB : Des rêves de notoriété ?

JJG : Non ! non, pas du tout. J’en ai toujours pas, d’ailleurs. et maintenant que j’ai goûté à ça, je me rends compte que, effectivement, ça n’a aucun intérêt.

LB : Ce qui nourrit l’ego, ce n’est pas fondamental.

JJG : Surtout quand t’as pas cet ego-là, quoi.

(Extrait du clip de "Il suffira d’un signe"_1981)

LB (en voix off) : L’ego de Jean-Jacques était ailleurs. Bien qu’ayant déjà sorti 3 albums avec son premier groupe Taï-Phong, il avait poursuivi de brillantes études commerciales et s’était lancé dans la vie en s’occupant de la boutique de sport de ses parents.

LB : T’as quitté la boutique de sport de tes parents très tard. Deux ans après les gros succès, après avoir vendu deux millions d’albums.

JJG : Non, non.

LB : Un million.

JJG : Même pas un million d’albums, non, moins que ça ! Peut-être un million de disques, mais pas un million d’album.

LB : T’y croyais pas ?

JJG : Non, enfin, c’était pas un métier chez nous, tu vois.

LB : Oui, c’était pas enraciné dans la culture.

JJG : Non, non. Je suis pas d’une famille d’artistes, je suis pas d’une famille de musiciens, je suis pas d’une familles d’héritiers. On avait un loyer à payer, on avait l’essence à payer... rien n’a jamais été facile, quoi. Donc il fallait vraiment que je pense à ma famille. Enfin, tu vois, c’était pas un choix comme ça. Si ça marchait pas, j’avais personne pour m’aider. Donc il a fallu que j’attende d’être sur que c’était viable, quoi.

(Extrait de Champs-Elysées, présenté par Michel Drucker_1984)

Michel Drucker : Comment vous vous voyez dans 4 ou 5 ans ? Comment vous allez négocier ce virage, car vous êtes maintenant une vedette, et je sais que vous êtes très prudent à l’égard de tout ce qui vous arrive, et vous essayez d’être le plus lucide possible.

JJG : Le piège, c’est de vivre la vie de chanteur qui est quand même l’une des plus bêtes du monde. On vous appelle le taxi, vous êtes invité au restaurant, etc. Et à partir du moment où il se passe plus rien, et où on vit pas des choses réelles et authentiques, là, je crois qu’on est cuit. Alors, le danger, je crois que c’est ça surtout.

(Extrait de JJ chantant "Quand la musique est bonne")

LB (en voix off) : Instinctivement méfiant à l’égard du show-biz, Goldman se démarque dès le début par son désir d’authenticité. Bouleversé à 15 ans par la voix d’Aretha Franklin, puis, plus tard, par les textes de Léo Ferré, il commence à écrire à l’âge de 17 ans et se veut auteur-compositeur avant d’être chanteur. Aujourd’hui, le jugement qu’il porte sur ses premiers textes est sans concession.

JJG : Quand j’ai commencé, moi j’avais fait que des... j’avais chanté en anglais depuis une vingtaine d’années, quoi, toujours. Je pensais même pas que les textes en français étaient possibles. Donc c’était, un peu des essais. Ca veut pas dire que je renie ces textes. Y’a des beaux textes. Enfin, y’a des beaux textes... Y’a des textes que je peux encore chanter sur scène. Mais c’est vrai que j’y passais moins de temps que maintenant. Mais je pense que les gens y passaient moins de temps aussi.

(Extraits de JJG chantant "la vie par procuration" sur scène_1986)

JJG : Ils attendaient pas de moi que je dise des choses. Ils avaient pas le même âge non plus. Le public était très jeune. Mes chansons passaient beaucoup dans des bals, des choses comme ça. Elles étaient faites pour danser, c’est ce que je voulais aussi.

LB : Pour danser. Tu le dis encore maintenant. Tu dis "j’vais peut-être me faire un album de danse, un jour. Vous saurez pas qui je suis, mais je vais en faire un".

JJG : Je trouve ça... c’est trop bien, ça ! Je suis allé au Sénégal, récemment, et qu’est-ce que tu veux, les chansons, ça sert à ça, quoi. Je me dis qu’on passe à coté. C’est ça qu’il faut faire. Il faut faire que du zouk, que du zouk, que du zouk (rires) !

(Extrait du clip de "à nos actes manqués"_1990)

LB : Donc, tu vas le faire, ça, un jour.

JJG : Du zouk, ouais, y’en a qui font...

LB : Tu vas faire un album de "dance", quoi.

JJG : Je sais pas, mais je trouve que c’est ce qu’il y a de plus noble, voilà ! Ce qu’il y a de plus noble, c’est les gens qui font danser les gens. Les gens qui font danser les autres, voilà. Je suis à genoux devant ces gens-là, voilà. Eux, ils font un métier magnifique. Et, quand j’ai pu le faire, je suis vraiment fier de ça.

LB : On dit toujours "Goldman gère sa carrière". Moi, je l’ai entendu."Ce mec, qu’est-ce qu’il est fin. Tu te rends compte : il a fait le trio, parce qu’il était sur le déclin. Il arrête le trio parce que les trio fonctionne plus, donc il repart tout seul." On pense que tout est extrêmement réfléchi chez Jean-Jacques Goldman.

JJG (qui se marre bien) : Ben, oui, ben...

LB : Je me fais l’avocat du diable, hein ! Je te dis ce que j’entends, ce qu’on dit. J’en profite. J’bavarde avec toi. Je me dis, après tout...

JJG : Bah, qu’est ce que tu veux que je te réponde ? Je crois que l’album qui a le plus marché dans ma carrière, c’était "Entre gris clair et gris foncé", donc c’était juste avant de faire le trio, ou il y avait des titres qui ont pas marché, genre "Là-bas", genre "Puisque tu pars", genre "elle a fait un bébé toute seule"... Et puis le dernier album avec Carole et Michaël, "Rouge", je sais pas, on a vendu un peu plus d’un million aussi. Je sais pas combien, entre un million et un million cinq... Enfin, ça allait, quoi ! Donc il faut pouvoir tout envisager, même, éventuellement, qu’on fasse des choses par plaisir, quoi. Je suis resté 10 ans avec Carole et Michaël ! On a fait deux albums, plus deux albums live, ça fait peut-être 20 ou 30 chansons en trio. C’est normal qu’on arrive à la fin d’une expérience comme ça.

(Extrait du clip de "Un, deux, trois"_1992)

LB (en voix off) : Avec la choriste Carole Fredericks et le chanteur-guitariste Michaël Jones, avec qui il avait joué dans son premier groupe, et sur le duo "Je te donne", JJ renoue avec ses premières amours.

JJ (sur la première tournée FGJ_1991: Pour moi, le fait de rentrer sur scène avec eux, c’est un bonheur. D’abord, je suis spectateur en même temps. Chaque fois que Michaël fait un solo ou que Carole chante, des fois j’en oublie de chanter après. Et puis les responsabilités sont diluées, c’est plus facile pour moi.

(Extrait du clip de "Rouge"_1993)

LB (en voix off) : Plus enclin à composer pour un groupe, il trouve moyen de se ressourcer, tout en se faisant plaisir. L’album, et surtout la tournée "Rouge", avec sa débauche de moyens, les amèneront au sommet.


(Changement de décor. Ils sont aux sports d’hiver).

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LB : Y’a longtemps que tu fais du ski ? C’est un truc de môme, tu as commencé très tôt, quoi ?

JJG : Ouais.

LB : Tu as commencé très tôt. T’aimes bien y venir. Ca fait partie de tes loisirs ou c’est un moment de décompression pour toi ou...Parce qu’il y a d’autres choses que tu pratiques souvent dans l’année ?

JJG : Ouais, c’est les deux. C’est en même temps quelque chose que j’aime bien et en même temps un endroit où je me sens très apaisé, la montagne.

LB : T’as une nouvelle passion, une nouvelle vocation, c’est le surf !... Enfin, ce qu’on appelle le snow-board.

JJG : Ouais, une passion, enfin... J’aime bien le ski encore, mais je me suis mis, un petit peu, au surf.

LB : Et tu te débrouille pas mal, il paraît !

JJG : Ben, ça va, ouais ! Allons-y.

LB : On y va. C’est parti ! Vas falloir suivre, les enfants ! Je vous le dis, moi !

(Ils dévalent la pente, avec ‘Bonne idée’ en musique de fond).

LB (en voix off) : Habitué de la montagne, JJ y retrouve depuis de nombreuses années calme et inspiration. Loin des mondanités du show-biz, il entretient avec les habitants de la station des relations simples et amicales, dans laquelle, évidemment, la musique est toujours présente.

(On se retrouve dans le bar de l’hôtel. Jean-Jacques fait de la guitare avec le cuisinier).

JJG : Bah, c’est bien ! The cuisto got the blues !...

(De nouveau confortablement installés (sans le cuisto, mais avec la guitare). Jean-Jacques, tout en parlant, chatouille sa guitare).

LB : Jean-Jacques, on est installé ici, près du feu de la cheminée, après une partie de ski, avec une guitare. Dingue, non ? J’aime bien, moi, quand t’as une guitare en main !

JJG : C’est pas la mienne, hein. C’est la guitare de Hervé !

LB : Ca, c’est quelque chose que tu fais assez fréquemment. En bavardant avec tes camarades, je sais que, par exemple, quand tu étais en tournée avec Fredericks et Jones, y’avait cette humeur de : on prend la guitare et on joue pour le plaisir.

JJG : Ouais, ne serait-ce que pour s’échauffer avant les concerts ou... Et puis aussi parce qu’on aime ça !

(JJG chante le début de "Sache que je")

LB : Il semblerait que cet album, en fait, quand t’arrives en studio, tu dis que t’es capable de faire l’album en 30 jours parce qu'il est déjà fait depuis un an, en fait. Tes chansons sont déjà très élaborées, au moment où tu arrives en studio. Tu travailles ça où, chez toi ?

JJG : Chez moi, oui. J’ai un petit studio chez moi, avec du matériel très simple, mais où je passe beaucoup, beaucoup de temps. Donc y’a pas une énorme différence entre cet album et mes maquettes, quoi.

LB : T’arrives en studio, et c’est 2-4. Y’a une trentaine de jours, à peu près.

JJG : Ouais, ouais, trente jours, ouais. Trente jours, c’est fait. Et encore parce qu’on prend... parce qu’on joue au ping-pong, quoi !

(Extrait d’une séance de studio : "le coureur"_Aout 1997).

LB (en voix off) : Le flâneur professionnel, comme il se nomme, travaille dur pour faire simple. C’est toute la difficulté. Erick Benzi est le témoin privilégié de l’élaboration de chaque album.

Erick Benzi : Travailler avec Jean-Jacques, c’est quelque chose de facile, c’est clair. C’est facile parce que, justement, d’abord on se connaît, et puis il sait ce qu’il veut, ou, au moins, il sait ce qu’il ne veut pas, ce qui, à mon avis, est la chose la plus importante chez un artiste. Donc ça permet de travailler dans des directions qui sont déjà assez repérées. Y’a un début et une fin. On sait où on va, quoi.

LB : Jean-Jacques, si on égraine cet album, la naissance d’une chanson. Par exemple, je sais que tu travailles toujours à partir d’une mélodie. C’est à dire d’une ambiance musicale, et tu y apposes des mots. Donc c’est un sens de travail.

JJG : Oui, j’écris jamais un texte seul. Pour moi, c’est inconcevable d’écrire un texte sans avoir la musique derrière. Je sais qu’il y a des gens qui font ça, c’est à dire qui écrivent des textes, et d’autres gens écrivent la musique dessus. Moi, j’écris la musique. J’ai le thème de la chanson, et je pose les mots sur la musique, forcément.

LB : L’inspiration, elle vient comment, au moment ou t’as une guitare ? Je veux dire cet aspect mélodique justement, trouver la mélodie.

JJG : Tu joues, tu joues, tu joues des heures. Tu joues... Et puis, tout à coup, tu trouves un truc, et tu dis "tiens, c’est pas mal, ça !" (JJG gratouille deux trois notes) ou alors tu fais (accord bizarre), et tu dis "Tiens, c’est laid, ça", alors, tu passes à autre chose. Enfin, je sais pas, et puis à un moment, tu dis "Tiens, c’est pas mal, ça. (introduction de "On ira").

LB : On ira ? Alors vas-y !

(JJG chante le début de "On ira", puis on enchaîne sur un extrait du clip).

LB (en voix off) : Egalement connu pour sa générosité, dans le restaurant d’altitude où il a ses habitudes, JJ invite face à nos caméras Hervé, cuisto et musicien avec lequel il "tape le bœuf".

LB : Salut, Hervé. T’es cuisto. Alors, Hervé, changement de guitare (JJG et Hervé échangent leurs guitares).

JJG : Ca, c’est la sienne, et ça c’est celle du serveur. Comment il s’appelle ? Julien ?

LB : Bon, qu’est-ce que vous pourriez vous faire, là, les garçons ? Tu voulais nous faire un départ de Cabrel ?

JJG (tout sourire) : Il a l’accent !

Tous les deux jouent un extrait de "La corrida". C’est Hervé qui chante ! A la fin, JJ applaudit copieusement.

LB : Bravo, monsieur Hervé, bravo ! Alors, émouvant, hein ! Ben tiens, tu parles !

JJG : Il me fait du bœuf tout les jours ; je lui en fait un maintenant !

LB : Bravo, joli !

JJG : Voilà ! Merci, Hervé !

Hervé : Merci, Jean-Jacques !

LB (en voix off) : Dans la simplicité paisible du décor, loin des soucis, la machine tourne, et les droits d’auteur tombent. Les chansons de Goldman sont multi-diffusées sur les ondes françaises. En 96, il bat même le record de royalties, touché pour une seule chanson, avec "Pour que tu m’aimes encore", écrite pour Céline Dion. Goldman est donc un homme riche, mais ses rapports avec l’argent restent atypiques.


(De retour dans le salon du départ, avec le beau pull rouge).

LB : Tu trouves l’argent indécent. Ou ceux qui le manipulent profondément indécents, voire pathétiques. Euh, tu parlais entre autre de Lady Di, qui partait de Porto-Fino, et qui décidait d’aller dîner un soir au Ritz. T’as peut-être dit ça avant son accident, d’ailleurs, mais enfin bon ...

JJG : Non, non, c’était après.

LB : C’était après ? Oui, tu l’as dit après, en plus ! Oui, d’accord ! Tu dis que tu avais fréquenté les gens qui aimaient l’argent et que tu trouvais ça pathétique.

JJG : Enfin, j’ai pas fréquenté. J’ai été en contact. Et la chose qui m’a vraiment le plus frappé, c’est l’extrême vulgarité de ces milieux-là, mais comme y’a pas dans les milieux de moyenne bourgeoisie d’où je viens, ni dans les milieux ouvriers aussi, que j’ai très bien connu. Y’a pas cette vulgarité-là. C’est une vulgarité de pensée, une vulgarité de termes, une vulgarité d’occupations. J’ai été très très étonné par ça. Je me disais, des gens qui ont tellement d’argent, ils peuvent faire vraiment des choses très intéressantes, quoi. Je trouve que, quand tu es à Porto-Fino, et que tu décides d’aller dîner au Ritz un soir, en prenant un avion privé, c’est la fin du monde quoi ! Tu vois, ça veut dire que t’as rien d’autre à foutre, quoi ! C’est l’ennui absolu !

LB : Comment on reste simple ? Comment, justement, on pète pas les plombs, et qu’on décide pas, je sais pas, de claquer de l’argent. Je sais pas, tu pourrais avoir 10 porsches, 20 Mercedes, avoir 3 palaces : un à New-York, un à Miami, une maison à Los Angeles, et je sais pas...

JJG : Bah, en étant prétentieux, en étant exigeant, voilà ! Justement, en méprisant ça, quoi. C’est tout ! En étant plus exigeant que ça, quoi !

LB : Oui, mais c’est une vie que tu pourrais vivre...

JJG (riant) : Oui, mais qui n’a aucun intérêt. Me force pas à...

LB : D’accord !

JJG (qui se marre toujours) : Me force pas à passer mes vacances à... là-bas ! C’est marrant à voir une ou deux fois. Et puis, une fois que t’as compris, ça va.

LB : Non, parce que des gens ont pensé, pendant un moment, que c’était une modestie, si tu veux, la Goldman-attitude.

JJG : C’est pas du tout une modestie. C’est complètement immodeste, justement, de vouloir mieux que ça, et de vivre d’autres choses, beaucoup plus palpitantes, beaucoup plus intéressantes et beaucoup plus gratifiantes, quoi !

(Extrait du clip de "Né en 17").

LB (en voix off) : Loin des paradis fiscaux, JJ a choisi de rester en France. Et pourtant...

LB : Tu dis que t’es content de payer 60 % d’impôts. C’est une première d’entendre ça en France. Excuse-moi, mais bon...

JJG : Oui, je suis très content. C’est une dette que je dois à ce pays-là, et je la paierai le plus longtemps possible.

LB : Ca te satisfait. C’est normal.

JJG : Ah oui, c’est normal ! J’ai payé plus que 60 %. C’est récent. Y’a encore quelques années, c’était jusqu’à 70, un truc comme ça. Mais c’est normal !

LB : Tu sens que tu fais œuvre civique de citoyen.

JJG : Oui, je trouve que c’est normal qu’il y ait une redistribution pour ceux qui gagnent beaucoup, et que ça profite à la collectivité, puisque nous, nous profitons aussi de la collectivité, voilà.

LB : Tu fais plus que ça. Parce qu’on te voit, sur les restos du cœur, où tu t’investis énormément, depuis bon nombre d’années.

JJG : Oui, mais c’est par plaisir.

LB : Oui, bien sur, c’est par plaisir, mais, en même temps, c’est un cadeau. C’est une soirée qui marche très bien.

JJG (tout sourire) : Oui, mais je paierais pour le faire ! Je paierais pour le faire !

(Extrait du clip de la chanson des resto_1986).

LB (en voix off) : Réunissant les artistes autour de lui, se donnant sans compter pour ceux à qui la vie n’a pas sourit, JJ évoque ceux qui ont eu la chance de naître à l’abri du besoin.

LB : Tu trouves pas normal que des mômes héritent ; enfin que l’héritage se transmette comme ça. Que c’est un peu désolant pour l’éducation, ou pour l’avenir d’un être humain, quoi, d’hériter.

JJG : Bah, c’est cohérent avec ce qu’on disait au début de la conversation, sur le fait que y’a que les routes qui sont belles, quoi. Que, finalement, c’est accéder à quelque chose qui fait les épices et l’intérêt d’une existence, et pas le fait de les avoir. Donc je vois pas pourquoi je les priverais de ça. Tu comprends ?

LB : Oui , mais de toute façon, t’auras pas le choix. Tes enfants vont hériter de toi, quelque part.

JJG : Non, non. Tu peux donner ça à l’état avant... Tu peux te débrouiller, et puis tu peux tout claquer avant (grand sourire).

LB : Va falloir que tu mènes une vie de patachon.

JJG : Je trouverais... Et puis je vais vivre très longtemps en plus !

LB : Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié ! Monsieur va vivre très longtemps.


(On voit JJ faire du ski, sur la musique de "Parler de ma vie").

(Ils sont tous les deux dans la neige et se regardent par l’intermédiaire d’un miroir).

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LB : Questionnaire amour, Jean-Jacques. Quelle est la plus belle preuve d’amour que tu aies reçue ?

JJG : Pfffffffffff. Je sais pas si il faut des preuves en amour. Tu crois qu’il faut des preuves ? Je trouve que, dés qu’il y a des preuves, c’est un peu louche, quoi.

LB : Donc, quelle est la plus belle preuve que tu as donné ?

JJG : Du temps !

LB : Quel cadeau aurais-tu aimé recevoir, ou as-tu reçu, pour la St Valentin ?

JJG : La St Valentin, c’est l’amour à la carte. C’est à dire, une fois sur 365 jours, on est amoureux ! Rien, alors !

LB : Voilà une réponse ! Tu penses quoi d’un homme qui pleure ?

JJG : Je sais pas, qu’il est triste, qu’il est ému, non ? Ou alors qu’il a une poussière dans l’œil.

LB : Une femme sexy, c’est quoi, pour toi, Jean-Jacques ?

JJG : C’est terrible ! Les gens, ils répondent à ça ? Bon, aller, passe !

LB : Tu préfères quitter ou être quitté ?

JJG : Bah ni l’un, ni l’autre !

LB : L’amour, ça se déclare, ça se déclame ou ça se tait ?

JJG : Ca se fait !

LB : Tu serais capable de vivre sans amour, ou de mourir par amour ?

JJG : Euh, vivre sans amour... Y’a une chanson de Léo Ferré "Avec le temps", où il termine en disant "avec le temps, on n’aime plus" . Donc je suppose que, si c’est vrai, ça guette tout le monde. On peut probablement vivre sans amour, je dirais plutôt survivre. Mourir par amour, je sais pas.

LB : Ca appartient à la littérature aussi.

JJG : Non, pas uniquement, y’a des cas quand même ! Je pense que personne est à l’abri de ça.

LB : Quand on aime très fort, on peut rester amis après ?

JJG : Bonne question ! J’en ferais bien une chanson...

LB : La phrase qui tue l’amour, selon toi ?

JJG : C’est la phrase où, tout à coup, tu te rends compte que t’as pas vécu la même histoire. Tu vois le... le malentendu.

LB : Quelle est la chose qu’il ne faut absolument pas faire si on veut te plaire.

JJG : Je sais pas, me gifler, par exemple, me cracher dessus.

LB : As-tu conscience que certaines de tes fans sont vraiment amoureuses de toi ? Que peux-tu leur conseiller ?

JJG : Je pense que, si des fans sont amoureuses d’un chanteur, elles sont amoureuses d’une image, puisqu’elles le connaissent pas. Donc c’est fastoche, quoi ! c’est normal ! Y’a un âge où il est plus facile de... c’est moins dangereux d’être amoureux d’un poster que d’un être.

LB : Ce questionnaire t’a emmerdé ?

JJG (sourire ironique aux lèvres) : Non, il est plutôt bien, quoi ! Hein ?

LB : Parler d’amour, ça te gène ?

JJG : Ouais !

LB : Merci Jean-Jacques !

JJG : Merci !


LB
(en voix off) : Retour dans le Fréquenstar de Jean-Jacques Goldman pour une mise au point sur les rapports un peu particuliers qu’il entretient avec les médias. Se prêtant rarement au jeu des confidences, et jouant encore moins celui des opérations promotionnelles, il est un des seuls artistes à imposer à la presse ses propres choix.

(JJ et LB sont sur une terrasse, toujours à la montagne).

LB : Quand on fait un papier de JJG, on peut pas mettre en couverture -c’est ce qu’on appelle une ‘une’, en presse quotidienne- on peut pas mettre la photo, par exemple de JJG, avec interview exclusive de JJG. Ca, tu t’y oppose.

JJG : Je devrais pas le dire. Je trouve que c’est la moindre des choses de pas mettre en première page un chanteur qui vient de sortir un album alors que l’ONU est en train de faire des tractations avec l’Irak, ou il y a eu 250 morts en Algérie. Mais bon, nous sommes dans un pays et dans une situation où il faut dire : "vous savez, si c’est possible, y’a des choses qui passent avant ça". C’est un peu ridicule, mais bon.

LB : Tu as refusé des unes, ce qui a fait qu’on t’a refusé des papiers, après.

JJG : Oui, certains journaux qui pouvaient pas s’engager là-dessus. J’ai dit "bon, c’est pas grave, on se passera de...". Je comprends très bien leur attitude, il faut qu’ils comprennent la mienne aussi. On peut pas s’entendre, on s’entendra une autre fois.

(Extrait du clip de "rouge").

LB (en voix off) : C’est à partir de 1985 que JJ prend ses distances avec la presse. Presque unanimement, elle le descendait par critiques interposées, alors qu’il remplissait les salles. Et, quasi-systématiquement, il jugeait ses propos déformés par les journalistes.

JJG : Je ne modifie jamais ce que je dis. Mais par contre, je refuse qu’ils modifient eux. Des fois, tu dis "ça, ça me gonfle". Si tu dis "ça me gonfle", c’est parce que t’as envie de dire "ça me gonfle". Alors, eux, ils réécrivent : "oui, cela m’ennuie", parce que ils trouvent que "ça me gonfle", c’est pas bien. Mais, dans ce cas-là, si il veut, qu’il s’interviewe lui, tu comprends ?

LB : Est-ce que tu te souviens de la page que t’avais publié dans "Libération", au moment de ta tournée au Zénith, où tu remerciais la presse de son aide. Tu avais repris les titres des articles qui t’étaient consacrés, sur une page, avec des accroches.

JJG : Je parlais pas de la presse. Je remerciais les gens, je disais :  "Merci d’être venu quand même".

(On voit l’article, avec "Je commence demain" en musique de fond).

JJG : On fait pas des chansons pour les médias. On fait des chansons pour les gens.

LB : C’est toujours blessant d’avoir une critique acerbe ou vitriolée ?

JJG : Non, non. Y’a des gens, moi, je suis assez fier de ne pas leur plaire. Ca me... Je serais très perturbé si je plaisais à...

LB : à certaines personnes ?

JJG : Oui, à certaines visions de la chanson qui sont fondamentalement différentes de la mienne. Je me rappelle, quand j’avais 10 ou 15 ans, et quand les Beatles sont arrivés, comment ils étaient injuriés, comme on parlait que de leur coupe de cheveux, tout ça. Je parle pas d’Elvis Presley, enfin tout ça... Et je vois, là, tout ce qui se passe sur les boys-bands, c’est absolument honteux ! Cet espèce de "politiquement correct", de les dénigrer, les boys-bands, sans écouter. Y’a peut-être une bonne chanson dedans, quoi, soyez un tout petit peu objectif ! Y’a certainement beaucoup de choses qui sont pas bonnes, mais y’a certainement des choses qui sont bien aussi ! Les Jackson-Five, c’était un boys-band !

LB : Est-ce que tu penses, dans ce cas-là, qu’il y a une dictature du bien, et qu’elle pèse lourd ?

JJG : Y’a des gens réactionnaires et des institutions. Ca a toujours existé. Y’a, maintenant, un "politiquement correct" et une institution de la chanson réactionnaire, c’est tout ! Mais au moins, qu’ils sachent que, moi, je les considère comme des institutionnels réactionnaires, fondamentalement.

(Extrait du clip de "Je te donne" par les Worlds Apart_1996).

LB (en voix off) : En 96, les Worlds Apart reprennent "Je te donne", et deviennent, avec ce titre, le premier boys-band en France.

LB : Quand t’entends, à la radio, je sais pas, tac, tu tombes sur Worlds Apart qui chantent "Je te donne".

JJG : Pour moi, c’est très simple, c’est une consécration, voilà ! A partir du moment où ta chanson existe, sans toi pour l’interpréter, je trouve que c’est... pour moi, c’est gagné ! C’est à dire que t’as fait quelque chose... c’est comme un enfant qui s’éloigne de toi, quoi. T’as réussi ça ! Tant que ta chanson n’existe que par ton interprétation, c’est parce qu’il y a un attachement à toi plus qu’à la chanson. A partir du moment où quelqu’un est capable de reprendre une chanson, comme Céline qui reprend "Puisque tu pars", ou des choses comme ça, pour moi, voilà ! C’est la réussite ! Pour moi, j’ai réussi quelque chose !

(Extrait du clip de "Pas toi", par les Mel Groove_1997).

LB (en voix off) : Réussite également pour le groupe Mel Groove qui parvient à se faire connaître avec une reprise de JJG : "Pas toi". Mais parallèlement à cette consécration, JJ n’en continue pas moins d’avoir des problèmes avec la presse, y compris la plus institutionnelle.

JJG : Y’a eu quelques articles dans "Le Monde", de je ne sais qui. Et je suis désolé qu’un journal sérieux comme ça ait aussi peu de contrôle sur la page de chant. Donc, si quelqu’un connaît M. Colombani et écoute cette émission, qu’il lui dise qu’il y a des gens qui officient dans sa page spectacle et qui disent, alors qu’ils soient contre ou qu’ils soient pour, ils ont tout à fait le droit, mais ils disent des choses fausses ! C’est à dire, pour étayer...

LB : Par exemple, un exemple de chose fausse...

JJG : Par exemple, j’ai écrit un album pour Céline Dion alors qu’elle avait vendu 18 millions de disques. Donc la date est fausse ! Puisque, moi, j’ai écrit l’album de Céline Dion avant. Donc, c’est à dire, elle était absolument inconnue quand je l’ai fait, et, ensuite, elle a sorti des albums anglais qui ont marché, mais ça n’a aucun rapport. Tout ça pour étayer le fait, par exemple, que je n’écris que pour des gens qui ont du succès. Je trouve ça injuste de ne citer que les choses que je fais qui marchent. J’avais écrit une chanson pour Philippe Lavil, j’ai écrit une chanson récemment pour Charlebois, j’avais écrit des musiques pour Marc, j’ai fait beaucoup de choses ! j’ai écrit deux chansons l’année dernière pour Carole Fredericks. J’ai participé à l’album de Michaël Jones. Y’a des trucs qui marchent, y’en a d’autres qui marchent moins. En tout cas...

LB : Tu le fais par plaisir. On parlait d’instinct...

JJG : Il faut admettre, éventuellement, qu’on fait de la musique par plaisir. Et quand j’écris pour Hallyday, c’est aussi, éventuellement, parce que c’est un immense chanteur. Et quand j’écris pour Patricia Kaas, c’est éventuellement parce que c’est une grande chanteuse et qu’il n’y a pas beaucoup d’équivalent ! Je vois pas pourquoi je me priverais de le faire sous prétexte que c’est des gens célèbres ! Mais on fait pas que ça.

(Extrait de Johnny en studio, dirigé par JJ, pendant l’enregistrement de "Lorada").


LB
(en voix off) : Fin 86, JJ écrit, compose et réalise l’album "Gang" pour Johnny Hallyday, qui avec lui, comme avec Berger, retrouve un nouveau souffle.

(Retour dans le salon du début).

JJG : Dans les années 75, 75 à 81, j’ai beaucoup écrit pour les autres, sollicité les autres et j’adore faire ça. J’adore écrire des chansons pour des bons chanteurs.

(Extrait de Johnny chantant "l’envie"_1986).

LB : Tu leur écris sur mesure ?

JJG : Oui.

LB : Tu en refuses beaucoup ?

JJG : Oui. Enfin, je refuse pas, mais j’ai matériellement pas le temps de tout faire.

LB (en voix off) : Goldman, se considérant avant tout comme auteur-compositeur, a toujours pris du plaisir à écrire pour les autres. Mais sur "Il me dit que je suis belle", écrit en 95 pour Patricia Kaas, il choisira de prendre un pseudonyme.

JJG : Je le faisais parce que je savais que les médias étaient paresseux, et que ils s’intéressaient à ce qui était facile à dire. Donc, par exemple, Patricia faisait le premier album après Didier Barbelivien où il y avait plusieurs auteurs-compositeurs dedans. Moi, j’avais une chanson dedans. Je savais que, si je mettais mon nom, les médias n’auraient parlé que de ça ! Parce que c’était plus facile de parler de ça que du contenu de cet album, de ce qu’il y avait... Donc ce pseudonyme a permis de gagner les premiers 6 mois, où ils ont parlé de Patricia Kaas, du travail qu’elle avait fait, des autres chansons, enfin du fond de l’album, et pas uniquement du coté anecdotique, c’est à dire qu’il y avait un chanteur à succès qui lui avait fait une chanson, voilà.

(Extrait de P.Kaas, chantant "Il me dit que je suis belle", en public).

LB (en voix off) : C’est donc sous le nom de Sam Brewsky que Goldman écrit ses premières chansons pour Patricia Kaas et Florent Pagny. Autre collaboration, autre nom pour Marc Lavoine.

Marc Lavoine : O. Menor... Goldman ! Tu vois ?

LB : Y’avait Brewsky...

ML : C’est un tout nouveau celui-là !

LB : C’est un nouveau pseudo.

ML : Que pour moi !

(Extrait du clip de "Tu me suffiras").

LB (en voix off) : Renouvelant l’astuce du pseudonyme, l’intérêt suscité par la sortie du disque de Lavoine auprès des médias ne devra rien à la participation de Goldman. Mais écrire tant de titres pour tant d’artistes différents comporte aussi un risque difficile à calculer : celui d’écrire les mêmes musiques pour deux artistes différents.

LB : A propos de plagiat, JJ, ça t’arrive parfois. Ca t’est arrivé récemment avec "Aïcha" et un titre de Céline Dion "Les derniers seront les premiers".

JJG : Ouais. Enfin, y’a 5 notes, quoi !

LB : Ca a fait l’objet d’ailleurs d’un article où... le titre de l’article, c’était "Je tourne en rond", c’est ça ?

JJG : Ouais... enfin.... non mais comme tout le monde, quoi ! Quand j’entends une chanson de... J’vois pas pourquoi... J’veux dire, quand t’entends une chanson de Gainsbourg, tu sais que c’est Gainsbourg, quoi, globalement ! Non ? Quand t’entends une chansons de Berger, tu sais que c’est une chanson de Berger. Quand t’entends une chanson de Balavoine... Je cite que les morts, là, pour pas balancer. Globalement, si on a trouvé que deux analogies sur toutes les chansons que j’ai faites, ça va, je m’en tire bien !

LB : C’est aussi qu’on s’y est pas beaucoup penché, mais je suis sur que j’en trouverai d’autres ! Le mec qui gratte...

JJG : oui, sûrement.

LB : Tu veux dire qu’il y a un style, quoi. C’est plus un effet de style qu’autre chose. Y’a une couleur Goldman.

JJG : C’est que y’a quoi, 7 notes ?! ouais, bon, voilà... On a tous des suites harmoniques, des choses comme ça, c’est obligé quoi !

(Petit montage pour montrer les similitudes entre "Aïcha" et "Les derniers seront les premiers").

Céline Dion, en 1995 : Il m’a présenté ses chansons. Et il a su, finalement, ressentir ce que moi, j’avais envie de chanter, ce que j’avais envie de dire, mais moi, je suis pas auteur-compositeur. Je suis chanteuse. Et lui, bon, bah, il m’a écrit des chansons que je ressens beaucoup, que j’adore.

LB (en voix off) : C’est en composant pour de tels artistes que JJ s’est véritablement révélé. Mais qu’en pense Goldman, l’interprète ?

JJG : Je suis pas du tout un interprète. Enfin, je suis pas du tout... Je sais pas, là, par exemple, je pars en tournée, il me faut un mois pour rechanter parce que ça fait quatre ans que j’ai pas chanté, quoi.

LB : C’est ça pour beaucoup d’artistes...

JJG : Non, non. Je peux te dire, Céline Dion, Carole Fredericks, Patricia Kaas, les vrais chanteurs, ils chantent tous les jours ! C’est un métier quoi ! C’est pour ça qu’ils chantent juste, c’est pour ça que la voix est toujours propre. Ils travaillent, et ils chantent tout le temps.

LB : Toi, tu te sens plus l’âme de l’auteur-compositeur ?

JJG : Ah oui. Vraiment !... Enfin y’a un terme anglais que je trouve magnifique, c’est "song-maker", qui n’existe pas chez nous, "faiseur de chanson", mais c’est tout à fait ça. Et je me sens tout à fait un song-maker.

(Et JJ de dévaler les pistes sur l’air de "Think"...)


LB :
JJ ,si c’était vrai. Tu peux changer quelque chose de ta personnalité, tu changerais quoi ?

JJG : Euh, j’aimerais bien tenir l’alcool. J’aimerais bien être ivre avant d’être malade. Voilà, en général, je suis malade avant d’être ivre. C’est un gros problème.

LB : Alors même chose : Tu peux changer quelque chose de ton physique, tu changerais quoi ?

JJG : Oh, je me suis habitué finalement. (grand sourire).

LB : On te propose de rencontrer Dieu pendant quelques minutes. Tu lui parlerais de quoi, et que lui demanderais-tu ?

JJG : Si il va bien, si sa santé est bonne, s’il a pensé à faire une analyse, un truc comme ça.

LB : Un savant très puissant te propose de voyager dans le temps. Dans quelle époque et dans quelle ville vas-tu te balader ?

JJG : J’aimerais bien Lublin, en 1909, pour savoir dans quel contexte est né mon père.

LB : Au cours d’une interview, tu t’aperçois que le journaliste te confond avec Bernard Henri Lévy. Tes réactions ?

JJG : Pas surpris ! Je veux dire, on entend tellement de conneries que... Ma réaction, ce serait : "Je suis vraiment en face d’un journaliste".

LB : La femme que tu aimes te demande de prendre une année sabbatique pour te consacrer à elle. Comment réagis-tu ?

JJG : Je me dis qu’elle ne m’aime pas, elle.

LB : Tu es tout jeune musicien débutant, tu as l’opportunité de rencontrer JJG, que lui demandes-tu ?

JJG : Ca m’est arrivé une fois. Quand j’ai enregistré mon premier album, y’avait Elton John qui était en train de regarder la télé à coté de moi, je lui ai rien demandé, et je connaissais les deux premiers albums absolument par cœur.

LB : Lors d’un concert, la salle te hue dés ton entrée sur scène sans que tu saches pourquoi. Ta réaction ?

JJG : Je sais pas, je regarde ce qu’il y a dans mon dos. Je regarde si il y a pas un genre de banderole "Allez l’OM" à Paris, ou "Allez PSG" à l’OM, enfin... si j’ai pas fait une faute fondamentale, quoi !

LB : Une fan amoureuse découvre ton adresse et t’attend tous les jours chez toi. Comment réagis-tu ?

JJG : J’appelle la police !

LB : Tu peux te transporter tout de suite ailleurs. Avec qui, et pourquoi ?

JJG : Là, par exemple, tout seul, pas allongé, sur de la neige très froide... pour des raisons qui me concernent !


(On voit JJ descendre du camion de la tournée, sur l’air de "Bonne idée", au Zénith de Caen le 21 avril 1998).

LB (en voix off) : JJ nous entraîne à présent sur une des premières dates de sa tournée, dans les coulisses de son nouveau spectacle.

(JJG et LB sont installé sur des caisses derrière la scène).

LB : Tu vas reprendre une vie de tournée ? A un moment, t’avais cessé, pour des multiples obligations de boulot, ce qu’on a vu d’ailleurs, entre Céline Dion, Khaled, et autres. D’ailleurs, Céline Dion. T’es aussi passé par Céline Dion, là. C’est à dire que, pendant que tu prépares ton spectacle, tu assistes Céline Dion sur l’enregistrement de l’album que tu as fait pour elle.

(Pendant qu’ils parlent, on voit des images de CD en studio, au studio Méga, à Paris, le 5 mars 1995).

JJG : Oui, ça a été n’importe quoi, là. Le planning, c’était n’importe quoi. C’est à dire...

LB : Tu bosses quoi, 15 heures, 16 heures par jour ?

JJG : Oui, mais c’est de la bêtise, parce que je me suis mal organisé. Si ta question, c’est "est-ce que t’es content de repartir en tournée ?", la réponse est oui ! (grand sourire).

(Répétition de "Bonne idée", avec JJ à la guitare, et les musiciens qui battent le rythme. Ils ont l’air de bien se marrer.

Commentaire de JJ : " Cest pas gagné !")

LB : On est installés derrière cette scène, que l’on ne découvrira pas dans ce portrait, pour des raisons que tu vas nous expliquer.

JJG : Bah, des raisons logiques : c’est que les gens ont pas vu le spectacle encore, donc on va leur laisser la primeur à eux.

LB : Tiens, fais moi la genèse de ce spectacle.

JJG : Bah, d’abord, le spectacle, il est très... comme toujours et comme pour tout le monde, je crois, centré autour des chansons du dernier album. Donc, là, comme c’est des chansons assez acoustiques, assez tranquilles, on se dit que ça va être un concert assez acoustique, assez tranquille.

(Séance de travail chez JJ, en 1997 : JJ au violon, et Jones au banjo (c’est inaudible !!!). Puis, on les voit répéter ‘Le rapt’, avec les autres musiciens).

JJG : Moi, j’arrive d’abord avec des directions, et après, on joue. On joue des heures, et des heures, et des heures, et des heures. Donc, à un moment y’en a un qui fait une faute... Y’en à un qui...et tout ça, et on se dit "Tiens, ça c’est intéressant". Donc, ce qu’il faut, c’est arriver un peu comme dans le système de la scène, où t’arrives avec des idées, et après, il faut être très ouvert à ce que propose tout le monde, là, c’est pareil !

(On les voit répéter "Elle a fait un bébé toute seule").

LB (en voix off) : Co-producteur de son spectacle, en dehors des répétitions, Goldman coordonne également toutes les réunions de préparation.

(On voit JJ autour d’une table avec 7 autres personnes (dont Robert, son frère). Ils parlent de la taille de la scène).

JJG : On se revoit, au début tous les mois, après tous les 15 jours, après sans arrêt. Voilà. Et puis, on discute. Une fois, c’est chez le décorateur, on voit sur l’ordinateur, les simulations de la scène, tout ça. On dit "ça, ça va ; ça, ça va pas".

LB : T’as une voix prépondérante ou pas ?

JJG : Oh, oui. Bah oui. Puisque c’est moi qui suis sur scène, c’est moi qui prends les tomates. Voilà !

LB : T’es limité par les moyens, parfois ? Ou tu te limites par les moyens ? Non ? C’est la technique qui peut limiter. C’est à dire quelque chose... la faisabilité...

JJG : Oui, c’est ça. Le fait qu’on change tous les jours. On démonte la scène tous les jours, et les techniciens la remonte tous les jours. C’est invraisemblable, quoi ! Donc c’est ça qui pose des problèmes.

LB : Tu veux dire que, quand toi tu descends de scène, eux démontent.

JJG : Oui.

LB : Ils mettent tout dans les semis.

JJG : Voilà.

LB : Font la route dans la nuit.

JJG : Ils dorment dans le bus... Ils dorment comme ils peuvent. Ils arrivent dans le prochain lieu, donc vers 8 h du matin, et ils recommencent à monter. Et nous on arrive à 18 h quand c’est monté. On fait la balance, on fait le concert, et ils redémontent après. Souvent y’en a qui dorment pendant le concert.

(Sur l’air de "Encore un matin", on voit quelques techniciens fatigués au boulot).

Pascal Meley (directeur technique) : Il sait ce que fait l’équipe technique, il sait le travail que ça représente derrière. C’est vrai que, particulièrement au démarrage de la tournée, c’est dur, et il porte énormément attention à ça, et, pour moi, c’est quelque chose... une grosse qualité.

Michaël Jones (guitariste) : Il est capable de comprendre des choses très rapidement que personne ne voit... sauf lui. Ca c’est étonnant !

Fred Peveri (concepteur lumières) : Avec JJ, on a une liberté totale. Enfin, on est quand même restreint, bien entendu, parce que il faut que ça rentre dans un certain budget, dans un certain volume, mais il est vrai qu’on a entière liberté sur le choix du matériel que j’ai envie d’utiliser.

LB : C’est des gens qui sont là depuis longtemps, qui t’accompagnent, qui te suivent, pour la plupart. Comme les musiciens d’ailleurs.

JJG : Ouais.

LB : Hormis deux ou trois exceptions près, de l’ancienne formation qu’on retrouve pas forcément, t’es assez fidèle.

JJG : Quand ça va plus, quand la personne correspond pas à ce que je souhaite, ou quand moi, je corresponds plus à ce qu’ils souhaitent, ça me dérange pas qu’on se sépare, quoi. Mais bon, quand ça va, autant continuer, quoi. Mais j’ai déjà eu des grosses séparations.

LB : Y’a longtemps que tu fais les tournées de JJ comme directeur technique ?

P. Meley : Euh, comme directeur technique, depuis 86, mais j’ai travaillé avec lui depuis 83, en fait j’ai commencé à la première tournée de JJ, en 83.

Andy Scott (ingénieur du son) : Ca doit faire à peu près 13 ans maintenant, qu’on travaille ensemble. On se connaît depuis... 75 même ! depuis Taï Phong.

Dédé Mallet (chef de la sécurité) : Pour le moment, je dois dire qu’il est fidèle. Peut-être que, moi, j’ai toujours bien fait mon boulot vis à vis de lui, qu’il m’a gardé. Mais sans ça, si quelqu’un ne va pas, si ça marche pas comme il veut, c’est la porte tout de suite.

LB (en voix off) : Et les musiciens marchent, eux. Fidélité à Christophe Deschamps, Claude Lepéron, Jacky Mascarel, et évidemment Michaël Jones.

(En coulisse, on voit JJ qui chante "Tout était dit", accompagné de sa guitare. Jones, Mascarel, Lepéron, et Deschamps font les cœurs, en battant la mesure. Christophe Nègre fume sa clope).

Extrait du début du concert : "On ira"... Quelques commentaires de personnes qui sortent du concert :

- "On connaît Goldman, c’est pour ça qu’on vient."

- "C’est pas un concert, c’est un spectacle. Y’a pas que les chansons, y’a les images, y’a la coordination avec le public, il fait participer le public, donc c’est super."

- "Génial ! Très intime, familial. Un grand moment de bonheur, vraiment excellent !"

Dédé Mallet : C’est plus de la sécu, pour la tournée Goldman, c’est de l’accueil. Le public, il est gentil ; on le reçoit gentiment. Et quand il commence à prendre des évanouissements, on le sort de la scène. On est là pour les accueillir et les mettre en confiance. On fait pas de la sécurité.

Quelques commentaires, encore.

- "C’était moins sophistiqué, son concert. Beaucoup plus naturel. Avant, il y avait beaucoup de composition. Là, plus naturel."

- "Merci, Jean-Jacques Goldman. Tout simplement miraculeux."

- "Je pense qu’il vieillira bien, et on sera là jusqu’au bout."

* * * * *

LB : Ta relation avec les fans ?

JJG : Bah, je les vois pas. En tournée, non.

LB : Ils viennent te voir en concert. C’est la relation que tu as avec eux. Ils viennent te voir en concert. Tu leur parles, tu leur donnes en musique pendant le spectacle. Et y’a pas de relation hors de la scène.

JJG : Non, bah non ! Non, après, non...

LB : Non, parce que tu sais, y’a des artistes qui dédicacent à la fin des spectacles. J’pose une question...

JJG : Ah non, je suis incapable, moi, non. Après un concert d’ailleurs, je suis même pas avec les musiciens ni avec les techniciens. Je suis tout seul. J’prends ma bagnole et je me casse. Je rentre à l’hôtel, quoi. Il me faut un moment de décompression quoi. Je peux pas passer à autre chose tout de suite. C’est des moments très forts quand même ! Mais c’est de leur faute à eux, aussi ! (grand et beau sourire).

Sur l’air de "On ira", on voit JJ quitter la scène, aller jusqu’à sa voiture, sans dire un mot à personne, et partir...

 

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