Interview exclusive
Radio France Landes
31.12.1998


(retranscription :
Julie Bienvenu)

 


["On ira"]

Journaliste 1 (Jérôme) : Goldman, "On ira" sur Radio France Landes. Comme on vous le dit depuis quelques jours maintenant pour fêter la dernière émission sur RFL de cette année 98 et bien on va passer cette heure avec Jean-Jacques Goldman et celui qui a quand même rendu possible cette interview. C'est Romain qui est venu nous retrouver. Romain bonsoir.

Journaliste 2 (Romain) : Bonsoir Jérôme.

Jérôme : Alors on va en savoir un petit peu plus sur Goldman, sur cette interview. Alors déjà pas mal de personnes nous ont appelés en nous disant "Est-ce-qu'on peut venir voir Jean-Jacques Goldman ?" Non, l'interview a été réalisée il y a quelques temps de cela. C'est vous qui l'avez réalisée. Dans quelles conditions, à quelle occasion vous l'avez rencontré ?

Romain : Et bien à quelle occasion, ça s'est passé au moment de son passage à Pau dernièrement au Zénith, c'était le 8 novembre dernier si je ne m'abuse et puis ben par un concours de circonstances assez extraordinaire on a pu avoir une interview sachant que JJG ne donnait aucune interview sur cette tournée, qu'il avait décidé qu'il en avait suffisamment donné auparavant et que là il avait la tournée et il avait les Restos du cœur à préparer et qu'il n'en donnait pas. Bon il se trouve qu'on avait un, enfin ça fait un peu prétentieux de dire ça, un ami commun, quelqu'un dont je suis proche qui travaille avec lui sur les Restos du cœur et qui a pu m'obtenir l'interview qu'on va donc écouter ce soir.

Jérôme : Alors ben la question qu'on se pose, parce que c'est vrai qu'à "Envoyé Spécial" on a déjà eu droit a une interview de Michel Sardou qui lui aussi on peut dire est entre guillemets un petit peu "avare" au niveau interviews, la presse l'intéresse très peu. Donc Sardou, on sait que c'est quelqu'un qui bon n'est pas particulièrement facile à approcher, le journaliste qui l'avait interviewé a dit: "J'ai passé deux jours sans qu'il me décroche un seul mot, on s'est même demandés si on n'allait pas replier le matériel et partir."

Romain : Ouais, c'est vrai.

Jérôme : Alors comment ça se passe quand on rencontre JJG ? Comment il est ?

Romain : Et bien quand on rencontre JJG, c'est tout le contraire de Michel Sardou, s'il est comme vous venez effectivement de le décrire. C'est vrai que JJG est rare, c'est vrai qu'on le voit quasiment jamais à la télé par exemple, sauf y’a deux-trois semaines parce que Drucker a réussi à l'avoir mais sinon, en dehors des Restos du cœur, on le voit jamais. Mais en revanche quand on réussit à l'approcher, c'est l'homme le plus charmant du monde et s'en est même impressionnant parce que vous rentrez dans sa loge, on vous dit "Voilà JJG va vous recevoir à 19 h 15" par exemple, on vient vous chercher à 19 h 14 et à 19 h l5 exactement vous rentrez dans la loge, il se retourne, il vous dit "ben vas-y assieds-toi dans le canapé", y’a un canapé, une chaise, vous vous asseyez dans le canapé, lui s'assoit sur la chaise, il vient lui-même vous servir à boire et là il est à 50 cm de vous et il vous regarde fixement en attendant, en écoutant ce que vous allez lui dire, ce que vous allez lui poser comme questions et c'est vrai que c'est très impressionnant parce que d’habitude, quand on interviewe comme ça des chanteurs connus, soit ils ont des téléphones portables qui sonnent dans tous les sens, soit il y a toujours un secrétaire ou quelqu'un qui vient leur parler et ils sont interrompus toutes les dix secondes. Là non, là tout le monde sort il reste tout seul avec vous et il écoute.

Jérôme : Et ça donne donc cette interview qu'on va pouvoir apprécier grâce à vous. Merci de ce cadeau que vous nous avez fait.

Romain : Mais je vous en prie.

Jérôme : Et puis on va se balader tranquillement sachant que bien entendu dans cette interview, par deux fois vous aurez l'occasion de partir avec un superbe coffret collector. A l'intérieur, vous pourrez bien entendu apprécier le dernier album "En Passant" et en plus un superbe album photo qui est glissé dans ce coffret.

Romain : Ouais des photos de Claude Gassian qui est fou de Goldman depuis ses débuts et qui l'a toujours suivi et du coup, c'est devenu le photographe officiel de JJG et il y a des photos magnifiques effectivement dont une, on en parlera dans l'interview, qui a été prise dans les Landes, ici à Ondres.

Jérôme : Donc on part direction Pau retrouver celui que Pascal Obispo même appelle "le maître".


"18h-19h en exclusivité JJG sur Radio France Landes"
[musique "Sache que je"]


Romain : L'album "En Passant", ce sont quelques notes de voyage, c'est du moins ce qu'on croit comprendre en observant de près les notes de votre dernier disque.

Jean-Jacques Goldman : En fait, les albums c'est toujours un peu la même chose, c'est comme un compte-rendu des 3 ou 4 dernières années, qu'on a traversées avec ce qui a pu nous, enfin me toucher ou m'intéresser, les préoccupations de ce moment.

Romain : Alors bon si on prend quelques chansons, "Sache que je", ça avait été le premier single et je me souviens avoir lu et puis avoir constaté que vous ne disiez jamais "je t'aime" dans une chanson et là vous êtes presque arrivé au bout et toujours pas ?

JJG : Non mais c'est même parce qu'on me l'a fait remarquer que je me suis posé la question et que l'idée de la chanson est venue. Mais sinon moi je ne m'en étais même pas rendu compte et je me suis posé la question pourquoi je ne dis pas ça. Bon ben je l'explique dans la chanson, j'ai essayé de comprendre pourquoi.

Romain : Dans la chanson "Bonne Idée", c'est une chanson plutôt très optimiste, ce qui n'est pas toujours très courant chez vous et j'ai remarqué qu'il y avait Ruth et Moïshé qui revenaient, qui revenaient parce qu'on parlait déjà de Ruth je crois dans "Comme Toi".

JJG : Euh oui. Bon enfin là ils viennent de façon très précise puisque c'est le prénom de mes parents et dans le cadre de "Comme Toi", d'ailleurs je ne me souvenais plus, j'ai pris des prénoms très significatifs donc celui-là je l'avais sous la main si je puis dire.

Romain : A propos de Ruth ou de Moïshé, vos parents donc, revendiquez-vous plus aujourd'hui qu'hier vos origines ?

JJG : Je l'ai jamais revendiqué comme un étendard ou de façon militante parce qu'il n'y a pas de problème sur le fait d'être juif en 98. Mais je ne l'ai jamais caché non plus, enfin je l'ai toujours dit comme quelque chose de naturel, de la même façon que Cabrel dit qu'il est du Lot et Garonne ou que Charlélie Couture dit qu'il est de Nancy. Donc les gens nous demandent souvent nos origines. C'est difficile pour moi de dire que j'ai un père polonais et une mère allemande puisqu'ils sont avant tout Juif polonais et Juif allemand ce qui est très différent de allemand et polonais étant donnée l’histoire récente. Donc c'était la moindre des choses de le préciser.

["Bonne Idée"]

Romain : Quelle est l’histoire du "Coureur" ?

JJG : Il s'agit vraiment d'un gamin qui était dans un contexte extrêmement précis, un contexte dont il n'avait aucune chance de sortir, ou malchance de sortir puisque je ne sais pas si c'est bien ou mal, en tout cas qui faisait vraiment partie d'une culture, d'un passé, d'une histoire, qu'est tranquille et tout à coup, quelqu'un croise sa vie et va lui changer fondamentalement son existence. Politiquement correct aurait été de dire que c'est dramatique, qu’il fallait le laisser à sa... à son... un peu comme Jean-Jacques Rousseau à son, son naturel. Moi je ne suis pas sûr du tout de ça. Je pense qu'il a eu de la chance aussi de découvrir le monde, de découvrir d'autres choses même si c'était au prix d'une mise en cause de ses racines, c'est pour ça… je ne suis pas du tout sur que ce soit entièrement négatif ce qui lui est arrivé. Je suis persuadé que c'est pas entièrement positif non plus mais c'est une vie qui vaut le coup d'être vécue aussi.

Romain : Ce qui est amusant, y'a peut-être un autre problème auquel vous n'aviez peut-être pas forcément pensé en écrivant cette chanson, c'est que la chanson a été un tube au moment des histoires de dopage pendant le Tour de France. A un moment vous dites "j'ai pissé dans un bocal" etc... donc beaucoup de monde a relevé cette phrase-là.

JJG : J'avoue que je pensais plus à une espèce d'optimisation des capacités, c'est-à-dire pour ce gamin qui court naturellement puisqu'il fait juste la course avec les vagues, et tout à coup on essaye d'en faire une machine à gagner. J'avoue j'avais pas intégré le fait d'en faire une machine illégale. Mais ne serais-ce que d'optimiser comme ça, de faire des musculations très spécifiques, de mettre des clous aux pieds, tout ça change la nature de cet acte qui pour lui était juste naturel de courir.

Romain : Y'a une autre chanson dans l'album à laquelle nous on s'est beaucoup attachés parce que la photo qui l'illustre a été prise à Ondres et Ondres c'est dans les Landes, c'est donc à côté d'ici, c'est "Tout était dit". C'est une région que vous connaissez bien ?

JJG : Non je ne peux pas dire que je la connais bien mais c'est une région qui m'attire. Je vais y revenir probablement à… j'attend la fin de cette tournée pour pouvoir me balader un peu dans tout le Sud-Ouest parce que c'est une région où j'ai beaucoup d'amis et probablement la région qui m'attire le plus en France.

Romain : Oui alors justement dans cette chanson vous parlez de la beauté qui est... Vous parlez des apparences auxquelles il faut se fier. Ce qui est un petit peu contraire au discours qu'on entend d'habitude.

JJG : Je parle surtout du fait, de la capacité de travestissement des mots, on peut mentir avec des mots, avec des phrases, avec des attitudes et l'espèce de spontanéité qui se dégage de gestes. Mais ça j'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte de ça, on a des antipathies ou alors des attirances qui sont un peu incompréhensibles et que notre cerveau n'arrive pas bien à décrypter. Mais par contre on a un instinct qui fait qu'on va se méfier de quelqu'un ou qu'on va être attiré par quelqu'un. Y'a des gens avec qui j'ai travaillés pendant 20 ans, 10 ans ou 15 ans et auxquels j'aurais pas confié mon sandwich et y’a d'autres gens que je peux rencontrer en 2 minutes et leur livrer ma vie sans avoir aucune peur qu'ils puissent me trahir et je ne sais pas pourquoi. Et ensuite on se rend compte que notre ordinateur inconscient a décrypté des choses donc simplement sur une façon d'être habillé, une attitude, une capacité d'écoute, un regard que notre raison n’a pas pu déchiffrer. Voilà c’est une chanson qui parle de ça.


["Tout était dit"]

Romain : Il s’est passé beaucoup de choses pour vous JJG ces dernières années : l’album de Céline Dion qui vous a apporté la consécration internationale, des chansons pour Florent Pagny, Patricia Kaas, vos tournées et vos albums qui marchent encore mieux qu’avant. Vous reste-t-il encore des désirs ?

JJG : Non, j’ai des petits projets, j’aimerais bien faire une comédie musicale un jour. Voilà j’ai essayé sur les deux derniers albums et puis j’ai pas réussi. Voilà, des choses comme ça mais bon si je ne fais pas de comédie musicale, ça va pas me rendre malade. Je suis très content de ce que je vis. Non non, j’ai pas de… sinon pourvu que ça dure, quoi que c’est tout, enfin je parle surtout de l’envie, du plaisir que j’ai à être sur scène, à écrire des chansons. Voilà c’est ma seule préoccupation.

Romain : Mais qu’est-ce qui vous pousse encore ? Parce que ça fait quand même depuis 81, ça fait longtemps que ça dure maintenant, ça fait 16-17 ans, vous avez encore toujours la même envie justement ?

JJG : Pour l’instant oui mais c’est pas un rythme effréné non plus, je fais un album tous les 3-4 ans, ça fait 10-12 chansons. J’en fait pour les autres mais un album, 10-12 chansons pour moi tous les 4 ans c’est pas des horaires impossibles, c’est pas des rythmes infernaux.

Romain : Je sais pas si c’est une conjoncture mais en ce moment qu’est-ce qu’il y a comme chansons signées JJG même si avant il y en avaient qui étaient signées sous des pseudos. Alors je vais vous poser une question, j’espère qu’elle ne va pas vous vexer : est-ce que vous n’avez pas peur de vous "barbelivianiser" à un moment ?

JJG : Ouais, je sais pas exactement ce que veut dire se "barbeli…" C’est à dire d’en faire trop et de faire des choses qui se ressemblent ? Moi j’ai l’impression que... ça n’a rien à voir quand même avec des auteurs ou des…

Romain : Dans le fond hein, pas sur la forme…

JJG : Non non, il a écrit des chansons magnifiques. Une chanson comme "Elle m’oublie" par exemple de Hallyday c'est Barbelivien ou "D’Allemagne" qu’a chantée  Patricia Kaas. C’est un type qui sait écrire des chansons et qu’en a écrites des que j’aurais bien aimées écrire, certaines. Donc c’est pas du tout péjoratif pour moi mais lui son métier pendant un moment a été d’écrire des chansons comme d’autres d’ailleurs, comme Bergman ou Delanoë tout ça. Et ils écrivaient, je sais pas moi peut-être 20-30 chansons par an, moi j’écris jamais plus que 5 ou 6 chansons par an si on fait le compte.

Romain : Sauf qu’elles sont toutes ou quasiment toutes, enfin j’ai peu d’exemples en tête de chansons signées JJG qui n’aient pas été programmées des centaines et des milliers de fois sur les radios.

JJG : Non, je peux vous donner des exemples sur pas mal de choses que j’ai faites ces dernières années et qui n’ont pas beaucoup été programmées.

Romain : Si on fait le jeu, doit pas y en avoir beaucoup. Justement vous parliez des chansons que vous auriez aimé écrire, récemment y’a des choses que vous avez entendues et qui vous ont mis à genoux ?

JJG : Oui y’a une chanson de Clapton là sur l’album "Pilgrim" qui s’appelle... un truc avec "river" dedans un blues, je crois que c’est la deuxième "River Of Tears" quelque chose comme ça ça s’appelle...

Une femme : Je sais plus le titre mais c'est...

JJG : ...ouais, qui est une chanson magnifique.

["River Of Tears" - Eric Clapton]

Romain : L’écriture pour les femmes, alors ça c’est quand même un mystère parce que y’a peu d’hommes comme ça qui puissent se mettre aussi bien à la place des femmes que vous peut-être pour écrire une chanson.

JJG : Mais moi j’aime beaucoup les femmes. Je fréquente beaucoup les femmes et je passe l’essentiel de mon temps avec les femmes et elles m’intéressent beaucoup, y’a plein de choses qui m’intéressent chez elles.

Romain : Ouais m’enfin pour écrire une chanson comme "Je voudrais la connaître" sur cette rupture enfin c’est.. Vous auriez aimé être une femme ?

JJG : Non, non non, je suis très content d’être un homme mais je suis très content d’être un homme justement parce que j’aime beaucoup les femmes donc ça me permet … [rires].

Romain : Et vous prenez le temps de lire ?

JJG : Assez peu, l’essentiel c’est "l’Équipe" en ce moment et les journaux mais j’ai toujours 2-3 bouquins dans mon, dans mon sac. Ca va de... de... de poésie, d’ailleurs ce sont des choses que l’on m’offre très souvent. Y’a 2-3 jours j’ai reçu les œuvres complètes de Musset alors je me suis mis un peu dedans. J’ai un copain qui fait une thèse sur Henri Calet que je ne connaissais pas donc je lis quelques lignes. J’ai rencontré un prof de philo qui s’appelle Etchegoyen et qui m’a donné ses bouquins donc je lis aussi un petit peu. Donc c'est un petit peu comme ça quoi. Là, je me suis procuré "L’école des cadavres" de Céline que j’ai lu pendant les vacances. C’est assez intéressant, voilà, c’est étonnant.

Romain : Est-ce qu’il y a des gens pour qui vous aimeriez encore écrire maintenant ? Pour lesquels vous n’avez pas encore peut-être écrit ?

JJG : Pas trop, là j’ai pas de désir très précis.

Romain : Mais c’était un désir par exemple avec Céline Dion et Patricia Kaas ? ou c’était une demande ?

JJG : Mais c’était des demandes pour tout le monde. Mais bon je reçois aussi des demandes où je ne me sens pas euh capable de le faire. La seule personne à qui j’ai demandé, c’est vraiment Céline Dion. J’ai demandé un rendez-vous, j’ai demandé à la rencontrer alors qu’elle était très peu connue. Là, il s’agissait vraiment d’une démarche et j’en parlais depuis très longtemps, je savais que je voudrais, j’aurai voulu travailler pour elle.

Romain : Je me souviens que vous vous en étiez expliqué à "Envoyé Spécial" notamment. Vous aviez dit "Y’a la place en France pour une voix à la Mariah Carey ou à la Whitney Houston". C’est ça qui vous a attiré ?

JJG : Ouais ouais, y’avais une espèce de suspicion sur les grandes voix, en français. Depuis, on va dire Mireille Matthieu, Michèle Torr etc..., que je trouvais vraiment injustifiée quand on voyait l’appétit des Français pour ces voix exceptionnelles en anglais, qu’il s’agisse effectivement de Whitney Houston ou de Barbara Streisand etc... Donc c’était comme si il y avait une…, si on pensait qu’il fallait forcément des textes stupides ou des musiques un peu faciles pour des grandes voix. Et voilà, c’était un challenge qui m’intéressait vraiment de montrer qu’on pouvait très très bien chanter en France et pas forcément des chansons très très très commerciales quoi.

Romain : Et vous trouvez donc que c’est des grandes voix ? Enfin Céline Dion vous… ? Par exemple si on vous dit que ça manque un peu de feeling, non, vous dites "pas du tout".

JJG : D’abord...

Romain : Céline Dion ou Lara Fabian maintenant là puisqu’elle est arrivée depuis.

JJG : Oui m’enfin là on est quand même passé de Jane Birkin à Lara Fabian quoi. C’était pas normal non plus d’avoir que des chanteuses comme Mylène Farmer comme euh… Je respecte ça mais la chanson c’est quand même fait pour des voix quoi. Donc maintenant sur l’interprétation, qu’on puisse aimer ou préférer l’une ou l’autre, je pense que ça n’a pas de rapport, on peut chanter bien et avec du feeling voilà. Aretha Franklin, c’est une grande chanteuse et elle a du feeling aussi donc ensuite c’est un autre travail.


["Pour que tu m’aimes encore" Céline Dion]

Romain : Et humainement, c’est facile de travailler avec elles, avec Céline Dion, avec Patricia Kaas ? Ca se passe bien ?

JJG : Oui, pour l’instant ça s’est toujours bien passé. Oui ce sont des, ces deux filles là, y’a pas de généralité, il se trouve que c’est, que ce soit Patricia Kaas ou Céline Dion, se sont vraiment des … D’abord, ce sont des filles qui viennent de très bas, sur le plan social, et qui le savent et qui s'en souviennent et qui le revendiquent. Donc on a vraiment des grandes facilités à communiquer.

Romain : Et comment vous faites pour choisir une chanson, hormis la tessiture, hormis les possibilités musicales de chacune, mais dans le choix même des mots pour Patricia Kaas ou pour Céline Dion ?

JJG : Moi, je les écris pour elles. Sur mon carnet, je note des idées de textes, je marque Céline Dion à côté ou Patricia Kaas à côté ou rien ou moi. Mais y'a des thèmes qui sont pour l’une, qui sont pas pour l’autre. C’est vraiment particulier, c’est pas des chansons comme ça qui cherchent un interprète. Chaque fois que j’écris une chanson, pour Patricia Kaas en particulier, c’est vraiment pour elle, elle ne peut pas chanter n’importe quel thème, par contre elle peut chanter des thèmes que personne d’autre ne peut chanter. Je trouve qu’elle est brillante dans "Je voudrais la connaître" ou "Il me dit que je suis belle".

Romain : Est-ce que vous avez déjà pré-analysé une éventuelle baisse de succès pour vous-même ?

JJG : Je l’ai beaucoup beaucoup analysé avant, c’est-à-dire y’a une dizaine d’années quand vraiment c’était très..., j’avais beaucoup beaucoup de succès avec "Je te donne", tout ça enfin. Je savais disons que le cap des 40 ans était un cap difficile à passer et qu’il faudrait s’attendre à avoir moins de succès. Donc je l'avais vraiment prévu et maintenant non parce que je crois que c’est trop tard maintenant. C’est-à-dire, je pense que je suis arrivé maintenant à un âge où j’aurai plus de baisse quoi. Je pense quand on arrive au delà de 50 ans on a peut-être des baisses comme ça on va dire de moment. Mais on disparaît plus. Y’a un moment où on a un ticket, on a duré suffisamment longtemps et on a un ticket "ad libidum" comme, fin je sais pas, je veux pas me comparer à ces gens-là, mais on se demande pas si Gilbert Bécaud ou ...

Romain : Sardou ?

JJG : Sardou ou Jean Ferrat, si ça marche ou pas. Ils sont là. J'ai rien prévu, j'avance doucement vers ces âges-là, c’est pas un ticket qualitatif, c’est un ticket, on va dire… comme on dit dans les entreprises, "à l’ancienneté". Mais si on a tenu bon jusqu’à ces âges, en général… Bon après on fait partie des meubles en gros.

Romain : Ouais, vraiment ?

JJG : Ouais ouais.

Romain : Mais c’est pas frustrant même ?

JJG : Oui mais bon on ne peut rien faire. Le seul qui a fait quelque chose d’intéressant là-dessus c’est Gary avec Emile Ajar, c’est… Il savait qu’il était cuit pour le Goncourt à cause de justement, du fait qu’il était devenu une institution et il a fait, c’est le seul truc marrant à faire, c’est-à-dire refaire un disque sous un autre nom et …

Romain : C’est pour ça que vous vous appeliez Sam Brewski sur certaines chansons ? C’était le syndrome Emile Ajar justement ?

JJG : Non, non non, là c’était pas du tout ça, c’était simplement… J’avais une confiance absolue sur la paresse des médias et donc je savais qu’à partir du moment où il y avait une chanson, un album de Patricia Kaas ou de Marc Lavoine ou de Pagny qui allait sortir avec une seule chanson de moi sur 12 chansons, je sais qu’ils n’auraient parlé que de ça. De la même façon que sur l’album de I Muvrini, il y a un duo avec Sting qui à mon avis n’est pas du tout représentatif de l’album, mais tous les médias qui sont très paresseux et très bêtes ne parlent que de ça. J’entends jamais parler d’autre chose. Donc c’était une façon de faire que pendant les 2 mois où on n’aurait pas su qui était ce Sam Brewski ou ce... bon, ils auraient pu, ils se sont intéressés un petit peu à ce qu’il y avait d’autre dans cette chanson, voilà.


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