"Jean-Jacques GOLDMAN :
Entre rock clair et blues foncé"
Graffiti - fin 8
7


(retranscription :
Aude)


jjg1.jpg (23632 octets)Mec pseudo raisonnable, Jean-Jacques Goldman se présente branché sur les circuits de son époque. Fabriquant d'art contemporain mi-naïf, mi-abstrait, il ne se situe guère du côté des terroristes de la zizique. Peu révolutionnaire, il provoque et agace davantage que les défrayeurs de convictions. Porteur sain, le chanteur ne mérite pourtant pas les zéros de conduite que la presse à idées lui inflige. Cet homme, qui plaisait au public, ne séduit pas c'est le moins que l'on puisse dire la race des critiques, Goldman, grand seigneur, s'est offert le luxe du succès et contre la vague, même les dinosaures du métier se retrouvent désarmés, soit ils plongent avec la masse, soit ils coulent en solo.

Tout cela pour exprimer que la sortie d'un album signé Jean-Jacques Goldman, c'est inévitablement un double événement. D'abord parce que les gens vont se précipiter chez leurs disquaires préférés pour l'acquérir, ensuite parce que les journalistes friands d'à priori, vont se vautrer aussitôt sur les plages musicales avec la certitude qu'elles sont aussi mauvaises que "gentil" est le chanteur qui les défend.

"Entre gris clair et gris foncé", un album de vingt chansons, une épreuve de fond sculpté par un tailleur de tubes et dont nous avons dressé le portrait verbal en compagnie de son auteur. 15 heures précises, Jean-Jacques Goldman débarque au studio Top Model. Fidèle au rendez-vous de Graffiti, il se rase sur place pour les besoins de la photo, et dialogue via le magnéto avec une matière grise très claire !

Une interview de l'artiste parlant de l'homme ou de l'homme analysant le phénomène engendré par l'artiste. En tout cas, un ton, des humeurs, de l'humour et une lucidité qui ne pourront pas vous laisser indifférents. Alors fonçons là-bas, du côté d'un chanteur au-dessus de tout soupçon.


- "Entre gris clair et gris foncé" est un album pour le moins prolifique dans la mesure où il abrite la bagatelle de vingt chansons. Alors prévoyais-tu avant la "ponte gestatoire" une aussi dense inspiration ?

"Non, ce n'était pas prévu. Au départ, j'avais envisagé de faire un album normal d'une dizaine de chansons et puis les autres titres sont venus au fur et à mesure."

- On a l'impression après écoute, que tu as éprouvé le besoin de te présenter sous toutes tes formes et à travers tes multiples humeurs, me trompais-je ?

"Oui… C'est plutôt qu'à chaque fois que je faisais un album, je laissais de côté une ou deux chansons un peu particulières, un peu à part et que ça a fini par en faire une dizaine. Le problème s'est donc posé dans ces termes : qu'est-ce que j'en fais, est-ce que je les garde à jamais pour moi tout seul ou bien est-ce que je les intègre à un album ? Et puis, j'ai considéré que la période était propice au fait de les sortir parce que j'ai l'impression que les gens me font davantage confiance qu'avant et surtout je me suis rendu compte qu'au cours de la tournée, le public ne réagissait pas seulement aux chansons dites "faciles d'accès" mais qu'il était aussi sensibilisé à des titres très personnels."

- Tu t'es donc offert le luxe suprême de tout sortir sans censure aucune ?

"Je ne me suis jamais censuré, seulement auparavant je n'imaginais pas que des thèmes très personnels pouvaient intéresser et concerner les gens. En définitive, c'est l'expérience de la scène qui m'a fait prendre conscience de cela."

- "Entre gris clair et gris foncé", n'hésitons pas à le clamer sur les toits, prouve, s'il en ait encore besoin, que Goldman, ce n'est pas un musico de base mais que c'est surtout un auteur de fond. Tu as énormément peaufiné les paroles de tes dernières chansons, n'est-ce pas ?

jjg2.jpg (29271 octets)"Il y a une chose qui est sûre et que là aussi j'ai découvert au fur et à mesure, c'était à quel point le public pouvait être sensible aux textes. Alors, quand tu prends conscience de cela, tu fais vraiment gaffe, quoi, parce que je sais que chaque chanson va être lue, relue, disséquée. Ça m'a étonné car j'ignorais ou plutôt je ne présumais pas de l'importance que les gens pouvaient accorder aux textes."

- Ton langage semble s'être élargi, te serais-tu débarrassé de tes mots "Leitmotiv" ?

"Peut-être…mais je pense qu'il y a toujours les stéréotypes et une façon de formuler identique aux précédentes."

- Se barricade-t-on derrière des formules ?

"Sûrement."

- As-tu osé tout dire même les choses les plus intimes ?

"Les choses les plus impudiques, on ne les dit pas, on les fait quoi !"

- Le concept de ta pochette est-ce une version originale signée Goldman ?

"Je cherchais une illustration et donc, je voulais faire travailler quelques personnes dessus. Comme je ne connaissais pas vraiment le milieu des illustrateurs, j'ai pris un bouquin et j'ai relevé des noms de gens dont le travail m'intéressait, et puis je suis enfin tombé sur l'illustration déjà terminée en me rendant compte que c'était exactement ce que je recherchais."

- Ces chaises vides, n'était-ce pas en quelque sorte une invitation "ouverte" dédiée au public, ne leur dis-tu pas : "Asseyez-vous et écoutez le disque" ?

"Ç'aurait pu être aussi des portes fermées. En fait, l'idée, si idée il y a, c'est vraiment que chacun y mette ce qu'il a envie d'y mettre. Et surtout, qu'il s'asseye là où il veut s'asseoir, c'est-à-dire qu'il écoute telle chanson plutôt que telle autre parce que justement c'est dans celle-ci qu'il trouve un écho à ce dont il a besoin."

- "Entre gris clair et gris foncé", c'est le titre de l'album, ça résume bien la situation selon Jean-Jacques Goldman ?

"Comme d'habitude, je baptise l'album à la fin. Donc pourquoi ce titre ? Tout simplement parce que je trouvais que c'était le point commun entre ce qui se dégageait de tous les textes."

- Serais-tu désormais positivement homologué au répertoire des couleurs du temps ?

"J'avoue que je n'ai pas réellement pensé à cela."


- Alors, si nous décortiquons les textes un par un, avec tout d'abord le titre ouverture "A quoi tu sers ?", une chanson inscrite à mort dans la tradition goldmanienne, plutôt pessimiste et "rentre dedans". Après tout, pourquoi faut-il servir à quelque chose ?

"Je crois que tout le monde se pose un jour ou l'autre la question de savoir "à quoi il sert", chacun de nous possède en lui une capacité, nous sommes nés pour accomplir des choses. Certains sont nés pour ne rien faire éventuellement aussi mais je pense qu'à partir d'un certain âge immanquablement, on se retrouve confronté au problème du pourquoi de sa vie et il s'agit, pour nous, de lui donner un sens."

- Le mot "servir" me gêne un peu. Doit-on forcément "concevoir utile" ?

"Non, mais c'est un acte égoïste que de vouloir se réaliser à travers les autres, notamment pour les artistes qui se nourrissent de la vie des gens pour créer. Ce que je veux dire, c'est que la question qu'on se pose "qu'est-ce que je fais de ma vie" est liée complètement au caractère utile de "A quoi tu sers ?".

- "Terminus ticket terre", une phrase qui ne permet pas de se repasser le film à l'envers ?

"Eh oui, c'est comme ça, est-ce qu'il y a quelque chose après, ça on n'en sait rien, en tout cas, il n'existe pas de ticket pour là-bas."


- "Il changeait la vie", un titre vantant les mérites de la pratique au détriment de la théorie ?

"C'est un peu la suite de la première chanson, sauf que c'est aussi une apologie des tâches humbles concernant ceux qui changent la vie en faisant bien leur travail. Peu importe, le boulot exercé. J'aurais très bien pu prendre l'exemple d'un journaliste ou d'un balayeur et je crois vraiment que de bien faire les choses, ça change davantage la vie des gens, que de belles théories ou de longs discours."

- N'était-ce pas aussi une façon de respecter les autres et soi-même ?

"Je dirais surtout soi-même."

- Les idéologies sont belles et bien bannies de nos préoccupations. Désormais il faut agir et ne plus parler, n'est-ce pas ?

"Si le vingtième siècle a apporté quelque chose, c'est surtout cette prise de conscience-là. Il y a une phrase qui illustre particulièrement bien l'abstraction et le caractère désuet de certaines théories et qui dit "Du passé, faisons table rase"...

jjg3.jpg (23782 octets)- Optimiste, positiviste tu l'es, car n'était-ce pas naïf de penser qu'on puisse influer sur le cours du temps ?

"Je crois qu'un bon boulanger dans un quartier, il change la vie des gens tous les jours. Pareil pour un flic s'il fait son boulot humainement et bien, lui aussi il change la vie. Et un prof, s'il est bon ou mauvais, soit il donnera aux mômes de son lycée le goût de la lecture ou bien il les dégoûtera à jamais. Là encore ça change la vie."

- "C'est un tout petit monde", une chanson très "voyage voyage" ?

"J'ai fait le tour du monde avec le tour avec la tournée pendant un moment et que tu sois à Doubaï, à Shanghai ou à Djakarta, eh bien tu te rends compte que malgré les différences et les kilomètres qui nous séparent, en fait, qu'est-ce qu'on se ressemble, on souffre tous des mêmes fièvres et nous partageons tous les mêmes préoccupations et les mêmes ennuis."

- "Entre gris clair et gris foncé", c'est le constat de la fin d'un règne celui du manichéisme. "Nous voilà dans l'ère des nuances" suggères-tu avec, fait troublant, comme une nostalgie pleine de regrets dans le ton ! Alors Jean-Jacques, serais-tu un apôtre du paradoxe ?

"Disons que concrètement la nuance dans la vie de tous les jours est souhaitable dans la mesure où elle facilite les rapports. Par contre abstraitement et poétiquement, la fin des excès est regrettable, parce qu'elle a tué quelque peu les passions. Un exemple, certains grands auteurs du siècle dernier, qui étaient probablement des grands auteurs parce qu'ils souffraient des maladies mentales, n'existeraient pas aujourd'hui. On les aurait déjà soignés avec des pilules. C'est vrai, le blanc éclatant n'est plus à la mode et l'on ne se bat plus en duel pour des questions d'honneur. Désormais, on règle ses affaires auprès d'un juge."

- Tu sembles déplorer l'aseptisation de la société alors que justement tu en es l'un des symboles et des prototypes ?

"Sûrement, je ne le nie pas mais je crois que chacun de nous est tiraillé par les choses raisonnables et celles qui ne le sont pas. Il y a une chanson de Souchon qui illustre bien cette contradiction. "Le Badad de Lann-bihoué" : le refrain, c'est "tu la voyais pas comme ça ta vie, Tapioca, potage et salsifis" et puis je connais aussi des aventuriers qui sont fascinés par des vies et des sentiments hyper simples. Donc, je considère que la solution réside dans un équilibre toujours déséquilibré."

- "Là-bas", un duo avec une chanteuse Sirima, inconnue au box office de la variété. Alors, où et comment l'as-tu dénichée ?

"J'étais à la recherche de la voix féminine de ce duo donc, j'ai écouté un certain nombre de cassettes de choristes jusqu'au jour où l'on m'a apporté celle de Sirima et elle avait exactement le type de voix qu'il me fallait, c'est-à-dire une voix pleine de feeling en chantant doucement et quand même avec du coffre pour être capable d'exploser à certains moments."

- Qui est cette fille ?

"Elle chantait dans le métro et elle se produit aussi en cabaret."

- "Là-bas", c'est l'histoire d'une femme…

"Qui veut tout simplement que son homme reste avec elle. Elle avait fait des plans de mari, de père et du fait de vieillir ensemble. Mais lui, il a envie d'une autre vie et il a préféré partir. Dans le clip, on a terminé de manière assez pessimiste, dans la mesure où il se rend compte qu'il a quitté une prison pour une autre."

- Serions-nous des insatisfaits chroniques ?

"Je crois bien."


- "C'est ta chance", le changement dans la pure continuité ?

"Je trouve que c'est le titre qui ressemble le plus à ce que j'ai fait avant. A la limite, c'est presque une caricature. Moi, j'aime bien le texte."

- Un titre de Battu Battant ?

"Moi, je considère que les handicaps sont aussi des chances. Par exemple, un type qui naît beur en France actuellement, je pense qu'il aura plutôt plus d'opportunités de réussir sa vie qu'un autre parce qu'il aura la haine en lui et beaucoup plus d'envies et de désirs. C'est plutôt bien de devoir se battre tôt. Personnellement, je crois que c'est une chance mais ça n'engage que moi."

- Quel discours moralisateur, serait-ce la loi de la jungle "il faut se battre pour survivre et être le plus fort" ?

"Je pense que ça t'entraîne tout simplement ! Lorsque tu es confronté très tôt à l'agressivité, j'ai l'impression que ça te fait avancer plus vite dans ta tête et donc dans ta vie."

- "Des bouts de moi", c'est un peu le journal de bord sur la vie de tournée, n'est-ce pas ?

"Oui, on écrit forcément ce qu'on a vécu et cette tournée, qui a durée effectivement de longs mois, m'a inspiré ce titre. Ça rappelle "C'est un tout petit monde", je raconte des voyages parce que l'année dernière, j'ai pas mal voyagé à travers cette tournée !"

- La vie d'artiste sur scène, on y perd des plumes mais on y gagne aussi sa vie, dans le sens élargi du terme ?

"On gagne beaucoup et on perd beaucoup. D'un autre côté, c'est quand même bien de le vivre."

- "Fais des bébés", une chanson nataliste ? Alors, Michel Debré – Jean-Jacques Goldman, même combat ?

"Attention, j'en parle d'un point de vue égoïste, et je ne dis à aucun moment que c'est pour le bien de la collectivité."

jjg4.jpg (21362 octets)- Il y a une phrase que j'ai adorée, c'est "plus d'eau chaude au moment de prendre son bain". Il y a malgré tout des messages dans l'air, ne nous invites-tu pas à ne plus être obscurcis par un confort too much douillet ?

"J'avais déjà dit dans une précédente chanson "Petite fille de novembre" qu'il n'y avait pas de suicide au Sahel. A l'époque, j'avais trouvé terrifiant d'écrire ça mais c'est vrai quoi. "Fais des bébés", c'est un peu la continuité, en fait, on se dit que l'enfer arrive mais bon, autant trouver des raisons, même si ce n'est pas conscient, d'essayer de vivre pour quelqu'un d'autre. Je crois que ça facilite les problèmes de spleen et de stress, tu ne te poses plus la question de savoir si tu vas réussir à dormir, tu dors parce qu'il ne te reste plus que cinq heures. (rires)"

- Devenons des mammifères ?

"Disons que c'est une façon de se décérébraliser rapidement."

- Est-ce une rock'n rolleuse attitude de faire des bébés ?

"Une fois de plus, je te répéterais que je ne suis pas un spécialiste de rock'n'roll."

- "Fais des bébés", un slogan digne de la nouvelle philosophie ?

"C'est surtout une chanson sans prétention et qui se veut drôle."


- "Puisque tu pars", un titre plus grave ?

"Pas vraiment, c'est une chanson sur le départ, sur la séparation et sur tout ce que cela implique, moi, je trouve qu'elle se rapproche au niveau du texte à "Confidentiel".

- Les souvenirs ne meurent pas et on ne coupe jamais complètement le cordon avec les êtres qu'on a aimés ?

"Je crois, qu'à partir du moment où l'on s'est rencontrés, il reste obligatoirement des choses."

- "Filles faciles", dédiée aux femmes de ta vie qui ont eu l'audace de t'aimer avant que tu ne deviennes "la star du hit-parade" que l'on sait ?

"C'est un titre que j'ai écrit à l'époque où je faisais des bals. C'est surtout une chanson très tendre pour ces filles qui jalonnent la vie des musiciens. Certains ont des attitudes méprisantes à leur égard en disant : "ah les filles faciles", et je crois que c'est un point commun que je partage avec tous les musiciens, nous, on a beaucoup de tendresse pour ces filles."

- Effectivement, il y a prescription ! "Je commence demain", un titre où tu évoques les bonnes résolutions notamment celle de devenir "raisonnable et sage" mais tu ne commences pas demain, puisque tu as commencé hier ? Je te provoque !

"Effectivement, c'est une recherche très bluesy dans laquelle je ne me reconnais pas vraiment ! Elle concerne tous les vagabonds, moi il est vrai qu'il y a longtemps que j'ai planté ma tente !"

- "Elle a fait un bébé toute seule", le single annonciateur de l'album, il fallait oser la sortir. Il pouvait le faire et il l'a fait ? Te serais-tu identifié à John Wayne, ma parole ?

"C'est une chanson que j'avais enregistrée au moment de l'album Positif, mais à l'époque, elle n'était pas prête. Ce qui m'a plu, c'est le côté démodé du son ! Cet été, j'avais quatre autres titres de prêt, mais si j'ai choisi de sortir "bébé toute seule", c'était justement pour énerver tout le monde."

- Et bien, c'est mission accomplie ?

"Tu sais, j'ai du mal à résister à ce genre de tentations !"

- Par contre, au niveau du texte, l'inspiration date aussi, les nanas de 87 ne rêvent plus de faire des bébés sans papa ?

"Ne me dis pas que tu ne connais pas de filles qui élèvent leurs enfants toutes seules ? Attention, je ne dis pas qu'elles l'ont voulu toutes seules, je parle uniquement du fait d'assumer des bébés sans père ou avec des pères absents. Ce n'est pas la même chose. C'est vrai qu'il y a des tas de nanas qui cherchent désespérément des pères ! (ndlr : il sourit. Décidément, il n'est pas si féministe qu'il en a l'air !)."

- Ce sont des filles kleenex en somme ?

"Oui, n'importe comment, ça existe, donc je suppose qu'elles y trouvent aussi une façon de vivre."

- Désormais, il n'y a pas que les filles faciles qui craquent sur le roi du Top 50, perfide question, s'il en fut ?

"Mais ça, c'est une chanson très vieille, "c'est quand j'étais jeune" !"

- "Quelque part, quelqu'un", un texte dense, riche, cultivé même ?

"J'aurais pu mettre des choses moins bibliques et moins intellos, ç'aurait pu être à la place, tant de cabines téléphoniques. C'est vrai qu'on est tous un peu paumés dans la loi des grands nombres, alors qu'en fait, chacun de nous, n'a qu'une seule envie, celle de rencontrer à un moment de sa vie quelqu'un."


- "Qu'elle soit elle", mais la philosophie sous-jacente c'est aussi qu'elle me ressemble un peu. N'est-ce pas ?

"Oui, c'est la chanson d'un père dédié à son enfant, c'est une évidence, on aimerait tellement qu'il soit à notre image et puis finalement, il faut se rendre compte que c'est quelqu'un et jamais, il ne nous appartiendra."

- "Doux", vanterais-tu tes mérites intimes en public ?

"C'est une apologie de la douceur."

- Appartiendrais-tu à la nouvelle race des hommes fragiles ?

"Ce n'est pas forcément fragile que d'être doux. Je ne crois pas qu'il faille frapper une femme ou lui arracher ses vêtements pour être viril. J'ai l'impression que la douceur, ça ne peut être quelque chose de fatalement "gnangnan".

- Tu es doux alors ?

"Non, non, c'est uniquement dans les chansons."

- "Reprendre, c'est voler", c'est la séparation vue à travers un œil très noir, tu dis "on partage les choses lorsqu'on ne partage plus les rêves".

"C'est un constat !"

- Est-ce impossible d'évoluer ensemble ?

"C'est difficile."

- "Il y a", une ballade ?

"C'est une chanson sur les lieux d'appartenance. J'ai un copain qui vit et qui est né à la campagne, ses ancêtres étaient eux aussi originaires de cette campagne. Et pour lui, pas de doute possible, il est de là, à la manière d'un arbre qui a poussé dans un jardin. C'est vraiment une chose qui me fascine un peu et c'est une chanson sur cette appartenance à un lieu et cette impression de faire partie du décor, quoi."

- "Peur de rien, blues", tu n'as plus peur quand tu prends ta guitare à la main ?

"C'est vrai que l'on dit beaucoup de choses artificielles en particulier quand tu es musicien, et que les simples moments où tu redeviens authentique et où tu te défends en sachant pourquoi tu es là, c'est ce moment où tu joues de la musique. Ce sont véritablement des moments rares dans la vie d'un chanteur de 1987".

- "Il nous restera", l'essentiel et surtout les détails ?

"C'est aussi une chanson sur la séparation ! A titre d'information, c'est un morceau que j'avais enregistré sur mon premier album en 81, mais qui n'était pas sorti. On ne l'a pratiquement pas retravaillé, uniquement remixé. Avec des additifs au niveau des chœurs et un solo de guitare."

- "Appartenir", avec pour sous-titre, "Je n'appartiens qu'à moi", un bilan globalement négatif concernant les rapports humains et amoureux ?

jjg5.jpg (17828 octets)"J'ai lu un bouquin qui s'appelle "Le prophète" et où il est question de valeurs telles que l'amour et l'amitié. Le propos c'est que "l'amour, c'est comme un temple et pour que le toit tienne, il faut que les colonnes soient espacées les unes des autres". Je crois donc que la seule possibilité d'avoir une bonne relation avec autrui, c'est de tenir debout soi-même. C'est-à-dire que si on s'appuie sur quelqu'un, il y aura fatalement un moment où ça tombera !"

- L'autre n'est pas une béquille ?

"Non, ou alors, ce n'est pas une relation saine à deux. Je trouve que le seul rapport satisfaisant à deux, ce sont deux personnes qui tiennent debout, seules déjà et avant la rencontre avec l'autre."

- Alors, es-tu fier de la toute dernière progéniture discographique ?

"J'ai fait ce que j'ai pu, je comprends très bien qu'il ne plaise pas et je comprends surtout qu'on ne puisse pas l'aimer entièrement parce qu'il y a trop de titres. En tout cas, je suis content de la façon dont il a été réalisé."

- N'était-ce pas un album qui se découvre à la manière d'un recueil de nouvelles ?

"Je crois surtout que c'est un album qui ne plaira pas forcément instantanément mais qui s'installera doucement dans la durée et puis je ne pense pas qu'il faille écouter les quatre faces d'emblée mais plutôt par étapes, en étant par moments plus sensibles à telle face, plutôt qu'à telle autre."

- "Entre gris clair et gris foncé" fêtera sa deuxième naissance sur scène, ce sera où, quand et comment ?

"Ca se situera entre mai et décembre, avec un passage à Paris en mai/juin dans plusieurs salles : le Zénith, le Palais des Sports, le Bataclan et l'Olympia."

- Pourquoi cette balade dans la capitale ?

"Parce que si tu restes un mois dans la même salle, tu deviens fonctionnaire, alors qu'en tournée, on a toujours la motivation d'un public différent et d'un endroit différent. Je crois profondément que les lieux, l'environnement t'influencent, j'en suis persuadé."

- Tu n'as pas l'envie de t'offrir Bercy ?

"Je n'ai pas peur de jouer devant 16 000 personnes, mais par contre dans cette salle-là où je trouve à tort ou à raison que c'est une scène où il n'y a pas d'échange, c'est-à-dire, on peut recevoir de beaux concerts, moi j'ai bien aimé par exemple Supertramp ou Prince, mais lorsqu'on cherche un peu de communication, je pense qu'on ne peut pas prendre du plaisir à jouer à Bercy. Je dois me tromper dans la mesure où Johnny m'a dit que jamais il ne s'était senti aussi à l'aise que dans cette salle."

- Et bien Bercy beaucoup pour tout. Les détails et surtout les essentiels.

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